Livre et films : Le Fantôme de l’opéra par G. Leroux, R. Julian et J. Schumacher

D’après le roman originel de Gaston Leroux, qui en a vu de toutes les couleurs depuis.

Le fantôme de l’opéra : muse, assassin, séducteur

Qu’est-ce qui peut bien transformer une créature horrifique en lover capable de mettre en émoi plusieurs générations féminines ?

C’est la question du jour, premier prix à gagner : un crâne de Yorick, à aller déterrer soi-même. 

En ce moment, c’est quasiment une mode de crusher sur les êtres surnaturels. Si vous lisez des fanfictions ou des romans amateurs, vous remarquerez que les relations sentimentales monstrophiles reviennent à une fréquence inquiétante.

Les duos célèbres ne manquent pas : la Belle et la Bête, Quasimodo et Esmeralda… Elephant Man et son actrice, la sirène à Paris et son crooner de salle de bain, deux de plus sur la liste.

La plupart de ces couples sont mignons et sans défaut, pour pouvoir charmer l’opinion publique.

Mais il existe un cas qui m’intrigue : celui du fantôme de l’opéra. Il n’a jamais été présenté comme sympathique. Ce sont ses fans qui l’ont changé : d’éternel vicelard, le voilà désormais devenu aux yeux de tous symbole de l’amour passionné. Quelque chose a tourné bizarrement avec lui que j’aimerais bien pouvoir expliquer.

Pourquoi échappe-t-il à la mouvance # balancetonfantôme ?

Pourquoi ne nous fait-il plus hurler ?

Roulements de tambour et fanfare de trompettes : voici l’épopée d’un fantasme moderne.

Illustration d’André Castaigne pour la première édition américaine du Fantôme de l’opéra de Gaston Leroux.

C’est à prendre ou à laisser : la messe de mariage ou la messe des morts !

Le Fantôme de l’opéra de Gaston Leroux

Le Fantôme de l’opéra, le roman

Commençons par le début. Le fantôme est né dans l’imagination d’un auteur français, sieur Gaston Leroux.

Aussi avocat que le fruit, Gaston préféra jeter la robe au bout de trois ans de barreau pour se reconvertir dans les chroniques judiciaires. Amoureux de la Presse, il se recycla ensuite en reporter tout terrain et devint dans la foulée écrivain. Son truc : publier des feuilletons dans les journaux. Cela le passionna tant qu’il créa quelques années plus tard la société des Cinéromans, ancêtre de nos séries télévisées.

Bref, au cours de sa vie, Gaston s’enthousiasma également pour les travaux de ses collègues… dont le roman-feuilleton de George du Maurier, auteur franco-anglais. Dans sa série Trilby, George du Maurier racontait les péripéties d’une blanchisseuse, belle gueule, jolie voix, mais dotée d’une oreille musicale de hérisson. Svengali, un gars au physique ingrat et mentalement instable voulut lui donner des cours de chant pour la sortir de sa misère, mais elle le repoussa, terrifiée. My Fair lady, ça ne marche pas à tous les coups. Svengali se vengea donc, hypnotisa la dame et la transforma en cantatrice contre son gré.

Hop, le personnage du fantôme était né.

Gaston, l’imagination fourmillante, s’est alors permis « d’emprunter » cette intrigue et de la réécrire à son goût, tout en la mixant avec les légendes urbaines qui circulaient suite à la destruction de l’Opéra Le Peletier, situé 12 rue le Peletier à Paris. 

En 1873, cette salle de spectacle a brûlé. Jusque-là, c’est véridique. C’était une nuit d’octobre, le ciel était sombre et le vent frisquet… Elle n’a pas été restaurée, aujourd’hui, à la place, vous avez une agence Foncia peut-être bien hantée.

La légende poursuit en précisant qu’un jeune pianiste survécut au drame, mais pas sa jolie ballerine. (Pas sa chaussure, hein, sa girlfriend…) Fou de chagrin et le visage partiellement calciné, il trouva refuge dans les sous-sols du Palais Garnier, alors en construction, où il choisit de vivre en solitaire. Parait-il qu’il voulut y écrire un opéra secret, un « hymne à la mort ». Je ne sais pas quel a été le sort de la partition, mais le sujet global a réussi à l’emporter sur lui. Son corps n’a jamais été retrouvé.  

Illustration d’André Castaigne pour la première édition américaine du Fantôme de l’opéra de Gaston Leroux.

Puis, le 20 mai 1896, autre anecdote inspirante : le lustre du Palais Garnier crut bon de jouer les balancelles. Un de ses contrepoids s’est décroché, balayant diverses loges pour finir sa course sur le siège n°13 (maudit !), où se trouvait une spectatrice. Morte sur le coup, paf, fortissimo, 750 kg dans la tronche. L’équivalent d’une belle vache.

Voilà comment Gaston s’est nourri de la réalité pour écrire son ouvrage, qui pourrait se résumer ainsi :

« Étrangetés à l’opéra : un lustre se casse la gueule, un macchabée pendouille au bout d’une corde… c’est sûr, un esprit maléfique doit se cacher dans les coulisses. Bientôt, le directeur abasourdi reçoit une lettre d’un dénommé “Fantôme” qui le fait chanter en réclamant de grosses sommes d’argent. Puis, tombant fou amoureux d’une jeune fille, le fantôme la fait chanter — cette fois au sens propre — en l’hypnotisant. Partant à la rencontre de son protecteur, Christine Daaé va découvrir un être torturé, hideux, qui compose en secret un hymne à l’amour dans les sous-sols… »

Hum… comme quoi, il suffit de peu pour stimuler un écrivain.

Le roman-feuilleton de Gaston Leroux fut publié en 1909 et 1910 puis plus tard sous forme de livre. C’est un polar, de type « chambre close », sous-genre du whodunit.

Gaston Leroux aimant bien brouiller les pistes, il ajouta à cette trame policière une seconde intrigue sentimentale entre Christine Daaé et le bandit. C’est celle-ci qui a perduré jusqu’aujourd’hui enflammant les esprits romantiques. 

Le Fantôme de l’opéra, extrait du film de Rupert Julian

Et, malgré la précaution qu’elle avait de regarder à chaque instant derrière elle, elle ne vit point une ombre qui la suivait comme son ombre, qui s’arrêtait avec elle, qui repartait quand elle repartait et qui ne faisait pas plus de bruit que n’en doit faire une ombre.

Le Fantôme de l’opéra de Gaston Leroux

Le Fantôme de l’opéra, le film de Rupert Julian

1925. Tandis que les sardinières de Douarnenez obtenaient satisfaction sur leurs revendications syndicales, un producteur de muets fatigué décida de venir en vacances à Paris. Cocorico.

Bien qu’en congé, il ne put s’empêcher une fois sur place d’aller visiter les studios de cinéma français. Double cocorico. C’est ainsi que Carl Laemmle, président d’Universal Pictures, est tombé par hasard sur Gaston Leroux et ses feuilletons télé. Carl a dit « J’adooore la France ! lolilol ! » Gaston a répondu : « Me too. D’ailleurs, j’ai écrit un livre dont l’intrigue se déroule ici. Ça te branche, mec ? » et ils ont conclu l’affaire sur un tape m’en cinq.

De retour aux USA, Carl Laemmle s’est empressé d’acheter les droits du fantôme et a confié le bébé à son réalisateur, Rupert Julian, en lui disant, « Z’y va, ceci est un rôle pour Leonidas. »

Leonidas Frank Chaney. Autrement nommé Lon Chaney par ses amis et le public.

Il s’agit d’un des plus célèbres acteurs de film d’horreur dans les années 1915 – 1930. Sa spécialité : les personnages très torturés. Faut dire, il avait du bagage, ayant lui-même eu une courte existence compliquée.

Lon Chaney était le seul fils entendant dans une famille sourde, ce qui lui a permis d’acquérir une solide expérience en communication non verbale. À 22 ans, il épousait une jolie petite femme, âgée de 16 ans. Cependant, leur union ne dura guère et la miss, chanteuse de profession, tenta de se suicider en avalant du mercure. Elle rata son coup, détruisit sa gorge et perdit sa voix. Le terrible scandale poussa le couple au divorce.

Le deuxième mariage de Lon Chaney fut plus heureux. Malheureusement pour lui, il mourut à 47 ans, emporté par un retour de karma et une hémorragie à la gorge.

Chaney s’est fait connaître dans quelques grands rôles déjà par sa gestuelle et ses mimiques, mais surtout par ses maquillages exceptionnels et sa capacité à déformer son visage. Pour le fantôme, il bourrait ses joues avec de la ouate, plaçait une calotte sur son crâne pour augmenter la taille de son front. Il collait ses oreilles à sa tête, portait de fausses dents pourries, trempait ses lèvres dans la graisse, tirait sur ses narines avec deux fils pour retrousser celles-ci. Sans parler des coups de pinceau de-ci de-là pour renforcer les effets squelettiques.

Le saviez-vous ? C’est Lon Chaney qui a inventé le dab. (Fantôme de l’opéra, extrait du film de Rupert Julian)

« L’homme aux mille visages », on le surnommait.

Rupert Julian ne pouvait pas le blairer. Tensions sur le plateau, tempête dans les studios… Ils se sont si bien engueulés qu’à la fin, le film était clairement raté.

Carton rouge pour le scénario : rythme lent, chiant, sujet mélodramatique à l’excès.

La bobine est repartie au montage, de nouvelles séquences ont été tournées, le dénouement a été par deux fois modifié, Julian Rupert a été plus ou moins remercié (si si ! Carrément éjecté du film !) Le résultat final n’était toujours pas très bon.  

Le public a réclamé davantage de romance et moins de monstruosité. L’histoire a donc été encore davantage lissée. Ce n’est qu’à partir de sa réédition en format sonore en 1930 que le fantôme a remporté quelques appréciations positives.

Je l’ai vu récemment, ce film muet d’origine. Bon, il n’est pas si mal que ça. La première heure est plus que longue, la seconde gagne en vitesse. La fin… comment dire… c’est Indiana Jones version gothique.

« Choisis entre la statuette de scorpion ou celle de la sauterelle, pucelle, sinon ton amant mourra noyé dans les catacombes ! » (en gros.)

Ne manquait plus que les dalles qui s’effondrent, la grosse boule qui surgit d’un couloir pour écraser tout le monde et les pieux qui sortent des murs.

Quoi qu’il en soit, dans ce remake du remake commencèrent à poindre les premières notes de romance qui formèrent la légende du fantôme.

Le Fantôme de l’opéra extrait du film de Joel Schumacher

Voyez-vous, Christine, il y a une musique si terrible qu’elle consume tous ceux qui l’approchent.

Le Fantôme de l’opéra de Gaston Leroux

Le Fantôme de l’opéra, film de Joel Schumacher  

De 1930 à 1986, Le Fantôme de l’opéra connut de nombreuses adaptations et hommages… Le livre voyageait de pays en pays, était traduit dans diverses langues. Bref, ça décollait enfin.

Mais ce ne fut rien à côté du succès de la pièce musicale composée par Andrew Lloyd Webber.

Andrew Lloyd Webber, pour vous expliquer, c’est un gars qui à neuf ans, écrivait déjà ses premiers morceaux. On lui doit plus d’une dizaine de comédies musicales dont certaines ont été de véritables triomphes. Il a rencontré quelques problèmes par-ci par-là de suspicions de plagiat, mais il s’en est toujours sorti sans casse. (C’est de l’inspiration, on vous dit. Ecoutez Gaston !)

Quoi qu’il en soit, ce type brillant et doté d’un certain feeling s’est convaincu qu’il y avait quelque chose à exploiter dans la relation sentimentale entre Christine Daaé et le fantôme. Il s’est décidé à adapter le tout en quelque chose de chantant. Accrochez-vous bien : de rock’n’roll.  

Quand on découvre pour la première fois le musical du Fantôme de l’opéra, franchement, on cherche la note rock parmi les airs de musique classique. C’est perturbant. Puis, à force, en grattant un peu… Oui, il y a évidemment quelque chose de très rock’n’roll dans cette histoire d’amour désespérée. Les rengaines semblent émaner du fond des tripes, c’est puissant et lancinant, malgré le côté « fleur bleue » assumé.

Si vous souhaitez un argument supplémentaire : le thème principal du fantôme présente de très fortes similitudes avec un rifle de Pink Floyd (le titre Echoes). Rock, on vous dit.

Bref, bref. Depuis 1986, Le Fantôme de l’opéra est sans doute le spectacle le plus connu dans le monde. Honnêtement, c’est une belle performance. La mise en scène est tout simplement captivante. Si vous n’avez pas l’occasion d’aller à Londres pour la voir, sachez qu’il en existe un DVD filmé au Royal Albert Hall, à l’occasion du 25e anniversaire de la pièce.

Andrew Lloyd Webber aimant le cinéma, ses pièces musicales finissent toujours par arriver tôt ou tard sur grand écran. Joel Schumacher a été choisi pour réaliser cette adaptation du Fantôme.

Le film est un copier-coller réussi du musical, c’est à dire : de la romance, de l’humour, du mélodrame et encore de la romance. Avec pour chanteurs principaux Emmy Rossum (Le Jour d’après) en Christine Daaé et dans le rôle le plus attendu… Gerard Butler.

Vous avez le droit de rire, mais c’est très sérieux. (Moi, j’en ris toujours.) C’est sûr que maintenant, on ne le voit plus que dans des films d’action, toujours en train de sauver les présidents, maisons blanches, ou carrément intégré aux Avengers… C’est un peu comme si Bruce Willis, Chuck Norris ou Jean-Claude Van Damme interprétait Roméo.

Dans les acteurs pressentis avant Butler, deux autres noms revenaient : John Travolta et Hugh Jackman. (Tous deux habitués des musicals, pour Travolta, Grease, La Fièvre du samedi soir… pour Jackman : Les Misérables, The Greatest showman…) L’absence de ses concurrents pour des raisons diverses a donc permis à Monsieur Butler de s’exprimer et de prouver qu’il poussait très bien la chansonnette. Le résultat est très correct et il paraît qu’il a adoré l’expérience. Peut-être qu’un jour, on le redécouvrira dans un musical avengers… ou « la chute chantante du président », qui sait.

Je n’insiste pas sur chacune d’entre elle, mais le film de 2004 présente beaucoup de qualités, notamment des décors époustouflants et une mise en scène extrêmement fluide. Pour la partie tournée « dans les sous-sols », ils ont carrément inondé une salle du studio de Pinewood, et ont créé un système de barque téléguidée, genre ce que vous pouvez voir à Disneyland. Quelques clins d’œil au film de Rupert ont été rajoutés, comme l’apparition de la pièce aux miroirs.

Niveau intrigue, notre antagoniste est désormais le beau brun ténébreux, méchant au début, gentil à la fin parce que l’amour transforme et purifie, c’est bien connu. (Romance, romance, romance.) Même le visage défiguré de Gerard Butler qui a demandé plusieurs heures de maquillage est finalement plutôt charmant.

Une chose qui m’a semblé intéressante : le fantôme y est devenu tout à fait humain. Il ne balance plus de sorts, à la place il se bat à la rapière. Il ne disparaît plus dans une brume soudaine, il ouvre une porte dérobée. C’est un homme, et donc, par définition, un être doté de sensibilité et digne d’être aimé.

La rationalisation de l’intrigue est une des forces majeures de ce film et permet sans doute d’adhérer à l’hypothèse d’un fantôme aimable. Le background du personnage a changé : on le maltraite pour son handicap physique et il se cache pour fuir la cruauté de ses semblables. Un « Freaks », un de plus. Comme un des monstres de Tod Browning.

Tout de suite, son histoire suscite de la compassion. Vous la sentez monter, la romance ? On y est.

Le Fantôme de l’opéra extrait du film de Joel Schumacher

Il est d’une prodigieuse maigreur et son habit noir flotte sur une charpente squelettique. Ses yeux sont si profonds qu’on ne distingue pas bien les prunelles immobiles. On ne voit, en somme, que deux grands trous noirs comme au crâne des morts.

Le Fantôme de l’opéra de Gaston Leroux

Parlons monstre  

Initialement, le fantôme était décrit par Gaston Leroux comme un cadavre, construit par la mort de la tête au pied. On a parlé tantôt d’une déformation à la naissance, tantôt de séquelles (selon les adaptations du roman) :

  • Visage défiguré à l’acide,
  • Vente de son âme à Satan et mutilation volontaire de son visage pour sceller le pacte,
  • Attaques de fourmis rouges (très exotique !)

Il existe toutefois une version dans laquelle le fantôme n’est pas amoché. Auquel cas, je suppose que l’on débat davantage de la perception de la beauté et de la représentation de soi.

S’agissant du masque, selon le degré d’horreur ou de poésie, soit ce dernier recouvre tout son visage, soit seulement la moitié laissant dépasser un bout de lèvre tordue. Soit encore, ce masque peut être cousu de morceaux de chair humaine ou associé à une perruque. Avec un bon petit côté Barbe Bleue, le fantôme indique à Christine qu’elle ne doit surtout pas chercher à voir ce qui se cache derrière, ou sinon, il la tuera.  

Comme Christine Daaé est idiote, elle va se précipiter sur lui pour le lui arracher. Dans les versions plus mignonnes, Christine est surtout très éprise et certaine que son ange de la musique ne peut être si laid.

L’antre du monstre se situe dans la zone de la Cuve de l’Opéra Populaire (calqué sur l’Opéra Garnier de Paris). C’est un lac souterrain destiné à aider les pompiers en cas d’incendie. Se déplaçant avec une barque et parmi les rats, le fantôme erre de grotte en grotte et s’est construit un douillet petit chez lui.

Il dort dans un cercueil (il a un bon sens de l’humour) entouré de candélabres et d’un gros piano. Vous voyez le genre. Toujours doté d’un second degré irrésistible, le fantôme compose son propre opéra « Don Juan victorieux », un hymne non pas à l’amour, mais à la séduction brutale et à la possession de la femme.

Une de ses spécificités est de vouloir contrôler les humains. Lors du soir de carnaval, il sort se mélanger à la foule, habillé dans la tenue de la Mort Rouge, celle de la nouvelle gothique d’Edgar Allan Poe. Par le biais de lettres, il contacte les directeurs de l’opéra, afin de réclamer le versement d’un salaire et la réservation de la loge n°5 pour son seul usage. Il écrit également à Carlotta, la cantatrice ou à Christine Daaé pour donner ses ordres, ses distributions de personnage ou ses conseils divers et variés. C’est un vrai mêle tout.

Le fantôme, loin de se faire discret, n’hésite pas à rappeler sa présence en étranglant les curieux avec son fameux lasso magique ou en provoquant des accidents techniques. Lorsqu’il est satisfait, il dépose des roses… Dans la pièce musicale de Webber et son adaptation au grand écran par Schumacher, le fantôme va jusqu’à se faire passer pour un chanteur, pour monter sur scène aux côtés de Christine Daaé.

Le fantôme est possessif. C’est lui qui tire les ficelles. C’est un persécuteur qui va suivre Christine partout, jusqu’à sa chambre où il va l’observer et murmurer son prénom durant son sommeil. Il est capable de l’hypnotiser pour l’attirer dans sa crypte où il lui enseigne la musique. (Hum… Oui, c’est platonique, mais suggestif.)

« Softly, deftly, music shall caress you

hear it, feel it, secretly possess you »

The Music of the night, Phantom of the opera

Le talent de Christine Daaé va le rendre fou d’amour, jusqu’à l’attendrir quelque peu. Alors qu’il s’apprête plus ou moins à l’épouser de force, le fantôme change d’avis pour ne pas qu’elle soit malheureuse. C’est qu’il a une petite crise de conscience charitable, voyez-vous.

Christine Daaé, sensible au sort de son bourreau, va lui rouler une pelle de consolation avant de s’enfuir avec Raoul. (Chaste baiser sur le front dans certains films pudiques.) 

Ce qui est fabuleux, c’est qu’aujourd’hui on se souvient du fantôme comme d’un personnage romantique, alors qu’il n’est pas passé très loin d’être un violeur. La métaphore en moins, c’est ce que suggère le récit. Sa révélation finale lui permet certes de rattraper le coup, avant que ses instincts ne l’emportent. Cela redore son image, puisqu’il parvient à se dominer pour le bonheur de sa chérie… Au final, le fantôme devient l’incarnation de l’abnégation, un sacrifié sur l’autel de l’amour courtois.

Belle transformation pour un érotomaniaque en puissance : il était mal barré, mais il termine avec la médaille Lancelot du Lac.

L’histoire a beau avoir déjà été réécrite de nombreuses fois, elle continue son chemin dans l’imaginaire des spectateurs. Différents romans ont été écrits au sujet d’une rencontre entre le fantôme… et Sherlock Holmes. (The Canary Trainer de Nicholas Meyer) Avec comme dénouement intermédiaire, un aveu d’échec de Sherlock Holmes qui n’arrive pas à arrêter ou même à identifier le fantôme, tellement qu’il est fort et qu’il est beau notre masqué.

Ou option n°2, Sherlock Holmes s’attache tellement au fantôme de l’opéra qu’il propose de le ramener avec lui à Londres (The Angel of the opera de Sam Siciliano). Carrément, la fanfiction à peine voilée…

Dans un tout autre genre, l’Opéra Garnier de Paris a créé depuis quelques années un jeu d’énigmes vous permettant d’entrer dans les décors ayant inspiré le mythe. Le pitch : une partition a été volée par le fantôme, vous devez retrouver les notes de musique en solutionnant des énigmes. Le niveau est plutôt difficile et des figurants en costumes sont là pour vous aider à les résoudre. Ils ne s’expriment que par mimes, le fantôme les ayant rendus muets. C’est assez drôle de causer Mozart avec les mains, si vous n’avez jamais essayé, c’est à tenter pour le fun.

Deux trois autres « variations » à citer :

  • V pour Vendetta, au cinéma, vous présentera un « fantôme » moderne,
  • Mascarade de Terry Pratchett réinvente le mythe d’Erik version Disque-Monde,
  • Vous trouverez des apparitions du fantôme dans un nombre incalculable de films, livres, séries TV, jeux vidéos… (Dont Scooby Doo et Bob l’éponge…) et même une attraction du parc Universal Studios.

Le fantôme continuera probablement à faire rêver, tant que la comédie musicale sera jouée dans tous les pays du monde. Un peu comme A Star is Born, c’est une histoire faite pour être réécrite.

Sources : Allociné, Wikipédia, Babelio, sauf erreur Copyright D.R. / Copyright Metropolitan FilmExport pour les photos et Castaigne pour les illustrations.

17 commentaires sur « Livre et films : Le Fantôme de l’opéra par G. Leroux, R. Julian et J. Schumacher »

  1. Voilà un article passionnant sur l’un des plus légendaires « monstres » (le terme est un peu fort) du cinéma !
    J’ai trouvé le film de 1925 tout à fait sympathique, surtout dans sa version colorisée – la scène du bal costumé en Technicolor rudimentaire est absolument extraordinaire, l’intensité du rouge de la cape du Fantôme, mouah ! Carl Laemmle n’en était pas à son coup d’essai avec la littérature française puisqu’il avait déjà produit en 1923 une adaptation muette du Bossu de Notre-Dame, avec déjà Lon Chaney dans le rôle titre. Ceci dit, il me semble que le réalisateur du Fantôme de 1925 se prénomme Rupert Julian et non Julian Rupert 😉

    Aimé par 2 personnes

  2. Très chouette article !
    Ça me donne envie d’aller à l’opéra, ou de découvrir la version de feu Joel Schumacher. J’ai vu celle de Rupert Julian que je trouve splendide, notamment cette partie en couleur, toujours un évènement quand on regarde un film de l’âge muet. Et puis surtout, je crois que tu ne la pas citée, la magistrale version de Brian de Palma dont je crois connaître toutes les mélodies par cœur ! Je crois que la Hammer en a produit une également mais pas vue.

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    1. C’est marrant quand même, je n’ai aucun souvenir d’un passage en couleur, sur la version que j’ai vue. Je sais qu’en théorie, c’est la séquence de la Mort Rouge, mais il me semble pourtant que tout était en noir et blanc.
      Je revérifierai quand même sur le dvd, voir si je n’en ai pas loupé un bout. ^^’

      Pour celle de Brian de Palma, pas vue, mais elle me tente bien bien. 🙂 Je la mets au programme.

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      1. Indispensable version que celle tournée par De Palma en pleine période glam rock. Entre truculent et tragique, voire macabre et diabolique, elle est tout sauf fleur bleue tout en conservant la dimension romantique. Je te la conseille (je lui ai même consacrée un article). Trust me.
        Je ne l’ai pas revu depuis longtemps mais sur mon édition, pourtant bon marché, il y avait bien une partie en couleur. Cela dépend sans doute des éditions.

        Aimé par 1 personne

  3. Comme d’hab, article très sympathique à lire. Et si je n’y connais rien au sujet, j’adore toujours les petites notes d’humour distillées de ci, de là (« aussi avocat que le fruit » muhahaha ! ^^).

    Aimé par 1 personne

  4. Cet article est vraiment très intéressant ! Je n’ai jamais lu le livre et j’avoue que ton article m’a donné envie ^^. Et un de plus dans ma wish list !

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