Vous aimez la brume ?
Vous aimez les ponts ?
Vous aimez les ponts dans la brume qui s’effondrent au-dessus du vide pendant que des mâchoires hostiles bondissent tel un requin de Spielberg, pour bouffer tout ce qui vous sert de mollet, cuisse, bras, tête, et autres parties du corps indistinctes ?
Alors, vous allez aimer Project Silence.
Une chronique d’une séance de minuit qui – tutut de trompettes – est un joyeux nanar cannois.
Catégorie sélection officielle, mais hors compétition.

De quoi ça parle ?
En Corée, plusieurs groupes de personnes doivent traverser un pont pour se rendre de l’autre côté. Pour motifs divers et variés.
Ils sont 118, au départ, lorsqu’un carambolage en chaîne va les piéger au milieu du pont. D’un côté, la route s’effondre. De l’autre, un camion dégageant des gaz toxiques s’est couché au milieu des chaussées.
Histoire que ça soit rigolo, il se trouve que des chiens d’attaque ayant servi à des expériences scientifiques dans des laboratoires sont accidentellement libérés.
Le reste est un savant mélange de La planète des singes, Jurassic Park, saupoudré d’un peu de Dents de la Mer, mais à terre.
Pourquoi voir ce film ?
La bande-annonce envoyait du pâté !
Hormis cet argument-choc * tousse *, je retiens également la volonté de vouloir renouveler le genre des films catastrophes, en ne cédant pas à la facilité de la science-fiction, et en puissant dans les théories du possible pour inventer de nouveaux types de monstres.
Des monstres issus des laboratoires, on connait. La faute est humaine. Surgissent des éprouvettes de terrifiants prédateurs. C’est un sujet qui est en vogue depuis quelques décennies (depuis l’époque Frankenstein, en fait, en passant par l’homme invisible, ou encore les virus terribles de 28 jours plus tard.) et manifestement, on n’en a pas encore fait le tour.
Ce que je regrette avec Project Silence, et là où ça cafouille un peu :
=> Il n’y a aucun personnage principal véritablement sympathique. (Sauf le couillon de dépanneur. Mais le fait qu’on le mémorise comme le couillon de dépanneur pose problème, lorsqu’il s’agit de parler de capital de sympathie. Même lui est présenté dans la première demi-heure comme une petite fripouille à l’arnaque facile.)
=> Les 118 personnages sur le pont sont dézingués trop vite. Dès que les chiens commencent à s’énerver un peu, il ne reste qu’un tout petit groupe de quelques survivants. Aussi, pourquoi n’avoir pas plutôt travaillé avec des poches de résistance ? On sent le dilemme du « je veux beaucoup de carcasses de voitures sur ce pont, mais je ne veux pas un gros casting. »
=> Il existe une tentative de variations entre les chiens d’attaque et les chiens de compagnie qui commençait bien, mais qui n’a jamais pris d’ampleur.
=> Et des tentatives de retournement de situation de type « le gouvernement savait ». Outre le fait que ça fait cliché gratté du fond du bocal, le twist est à peine survolé. Pourquoi faire les choses à moitié ?
=> Surtout, ce qui m’a profondément énervé : les personnages vont sans arrêt se jeter dans la gueule du loup. (Ou du chien-loup. Bref.) Vous voyez les chiens super dangereux mangeurs d’homme ? Eh bah si vous avez perdu vos clefs, sachez qu’elles sont très certainement restées à dix centimètres de leurs dents. Pareil pour votre talkie-walkie. Pareil pour votre ordinateur qui permet de contrôler les fauves.
(Théorème de Jurassic Park : si le monstre n’a pas de raison d’aller bouffer le personnage, c’est au personnage d’aller chercher le monstre.)
En fait, si scénaristiquement l’histoire est inégale, il y a quand même de bons moments de fun. Parce que chaque film catastrophe est un défi d’écriture à relever, il faut réussir à maintenir l’attention du spectateur pendant 1h30, et quand il s’agit d’un huis-clos auquel on ne peut ajouter aucune exploration de l’univers, le challenge est réel. Hormis quelques allers-retours, le scénario réussit à se renouveler suffisamment pour que l’on ne s’ennuie pas.
Certains passages sont même loufoques et font rire. Je ne suis pas sûr que le film se prenne réellement au sérieux, il s’agit plutôt d’une parenthèse pour rappeler que le cinéma, c’est avant tout du divertissement.
Retrouvez les précédentes chroniques du Festival de Cannes 2023 :
#01 Jeanne du Barry de Maiwenn