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Film : Dark Shadows de Tim Burton

D’après les personnages créés par Dan Curtis.

La malédiction qui vous hante sur plusieurs générations.

– T’as fumé ou quoi ?
– Sachez Mademoiselle, qu’on a essayé de me brûler à maintes reprises mais que je n’ai jamais émis une seule fumée !

Dark Shadows de Tim Burton

Ce film aurait pu plaire aux amateurs de poissons, aux explorateurs de nouveaux mondes et aux oreilles délicates qui ouïssent du pop-rock. Mais, désolé de vous décevoir, c’est une comédie vampirique. (avec des poissons, du rock et l’Amérique des années 70, quand même.)    

Sortez le ketchup, votre petite robe noire et bienvenue dans l’univers un brin dérangé de sieur Tim Burton.

* * * * *

En quelques mots :

Année 1760. Monsieur Barnabas Collins, fils d’une richissime famille de Collinwood, s’éprend un peu trop souvent. Notamment, il courtise sa servante Angélique, avant de succomber à la belle Josette, le grand amour de sa vie. Triste et banale éviction sentimentale ? Que nenni ! Angélique a décidé qu’il l’aimerait et il l’aimera, parce que c’est une sorcière et qu’elle a les moyens de le faire changer d’avis.

Elle jette une terrible malédiction sur ses proches, tuant les parents, suicidant Josette, et transformant Barnabas en vampire pour lui laisser l’opportunité de méditer sur la frivolité de l’existence jusqu’à ce qu’il lui revienne, ou si besoin est, jusqu’à la fin des temps. 

Barnabas est enterré en pleine forêt. Deux siècles et quelques plus tard, une pelleteuse vient buter sur son cercueil et le réveille. Les membres de sa famille se sont renouvelés, les mœurs ont changé, mais Angélique est toujours là pour lui pourrir la vie.

– Croyez-vous que l’homme et la femme devraient être égaux ?
– Seigneur non, les hommes seraient hors de contrôle !

Dark Shadows de Tim Burton

Dark Shadows est le quinzième long-métrage de Tim Burton, sa huitième collaboration avec son acteur fétiche Johnny Depp et sa première collaboration avec l’actrice Eva Green, sur le point de devenir sa nouvelle muse.

C’est aussi le fruit d’un long travail de préparation, d’acquisition des droits, de on le fait/on le fait pas puisqu’il s’agit en réalité d’une transposition de la série télévisée éponyme Dark Shadows, diffusée de 1966 à 1971 sur la chaîne américaine ABC.

Cette série flirtait avec fantastique et science-fiction et déployait tout un panel de monstres, ce qui a permis de faire connaître le genre à des téléspectateurs qui n’y étaient pas habitués.

La série a fait l’objet d’une première adaptation en une autre série, la Malédiction de Collinwood, puis a été découpée en une microsérie en 1990 avec plein de minuscules épisodes tout mignons. Les droits ont été obtenus par la Warner en 2007. En 2008, Johnny Depp a été rattaché au projet, puis plusieurs réécritures du scénario ont eu lieu pour aboutir… à ce truc tourné en 2011.

Oui, on parle de malédiction. L’histoire de ce film, c’est un peu comment à partir d’un concept génial, on arrive à faire un flop cinématographique.

Est-ce parce que Johnny Depp a connu un certain essoufflement après de trop nombreux Pirate des Caraïbes ? Est-ce parce que son jeu hier novateur, paraît aujourd’hui répétitif et flétri ?  

Ou est-ce tout simplement parce que l’humour y est limite naze, parce que le scénario se perd en longueurs, que les clichés deviennent parodiques et que le résultat final manque d’originalité ?

Mouais. Ce n’est pas le Tim Burton du siècle !

Malgré tout, ce film se regarde. Si vous cherchez quelque chose de sympa pour animer votre soirée Halloween ou parce qu’il n’y a rien d’autre à la télé, le choix est bon.

Je vais aussi vous dire ce qui me plaît là-dedans et pourquoi il mérite tout de même qu’on en parle.

L’esthétique :

La photographie est vraiment bien travaillée, de même que la mise en scène des décors, la sélection des accessoires… Nous nous trouvons dans un conte horrifique avec tout ce que cela entraîne : castel à gargouilles, lustre gigantesque, portraits flippants, jeux de lumière et maquillages blafards, rien n’y manque.

Si vous avez déjà fait le manoir hanté de Disneyland, vous aurez l’impression de vous y téléporter durant deux heures tout en zappant la file d’attente.

De plus, la magie de ce film nait des différences culturelles entre l’an 1760 et l’an 1972. Ainsi, chaque objet, d’une enseigne Mac Do à une lampe à plasma, va se révéler intéressant et source de quiproquo. 

Le diable se cache dans les détails, l’humour aussi.

Sur le même principe, les interactions entre acteurs sont également soignées et tiennent parfois du ballet chorégraphique. Les mouvements sont fluides et étudiés, comme si vous assistiez à un jeu d’automates particulièrement bien rodé. Bienvenue au musée des horreurs !

Les influences gothiques :

C’est un point non négligeable ! Dark Shadows flirte comme la plupart des films de Tim Burton avec le courant artistique gothique. Je ne vous parle pas de ceux et celles tout de noir accoutrés avec des bracelets à clous et des pentacles tatoués sur la fesse gauche, non… c’est un peu plus qu’une simple mode vestimentaire.

L’art littéraire gothique est le petit frère dépressif du romantisme. C’est à dire, une forme de romantisme morbide, où l’on s’intéresse à l’après-vie, à la violence des passions, à la poésie des ruines et des tempêtes.

Sans surprise, le romantisme littéraire a donc pris son essor en Grande-Bretagne, contrée par excellence des fantômes et des royales licornes. Vous pourrez trouver des influences gothiques dans les pièces de théâtre de Shakespeare bien sûr (il n’y a qu’à lire Macbeth !) mais c’est plus tard, en 1764, avec Le Château d’Otrante d’Horace Walpole que le genre s’est véritablement fait connaître. Une histoire assez obscure avec un mariage, un meurtre (le même jour), un divorce peu après, puis une antique prophétie, des spectres, et des taches de sang qui font tache, justement.

La littérature gothique s’est alors développée et exportée un peu partout en Europe et aux États-Unis, avec des œuvres célèbres comme Le Portrait de Dorian Grey, Frankenstein, L’étrange cas du Docteur Jekyll et de M. Hyde, Dracula… jusqu’à se transformer peu à peu en la littérature fantastique telle qu’on le rencontre désormais. Mais aussi, les romans noirs et les romans d’horreur. Même les romans de science-fiction ont des ancêtres communs avec nos vampires. E.T. avait peur des gousses d’ail, le saviez-vous ? (Non, je plaisante. Mais c’est Pâques, les lapins sortent avec des poules sur la tête. J’ai le droit à la digression.)

Les repères classiques dans tous ces ouvrages sont les suivants :

  • L’arène géographique : château, cimetière, crypte, prison, ruine, vieille église, maison abandonnée, forêt sauvage, bord de mer déchaîné, paysages nocturnes, pluie et orage…
  • Les personnages type : la femme fatale, le damné, le démon, l’homme déchu, le religieux, et autres monstres surnaturels… vampires, fantômes, loups-garous, sorcières, créatures infernales.
  • Les intrigues types : le pacte infernal, les malédictions et prophéties, les secrets de famille qui ressurgissent, les amours impossibles avec en général suicide à foison, et conséquence logique, le retour en fanfare de spectres et de morts-vivants.

– L’on dit que le sang prime sur tout, qu’il nous façonne, nous enchaîne, nous maudit…

Dark Shadows de Tim Burton

Le cinéma a été inventé alors que la littérature gothique commençait déjà à être remplacée par ses successeurs, de sorte que nous connaissons surtout des adaptations littéraires et peu de scénarios originaux répondant à ce courant artistique.  

Le genre s’est perpétué sous des visages différents. Nous sommes passés de Nosferatu ou de Freaks, la parade des monstres à The Greatest showman, Abraham Lincoln, chasseur de vampires ou Docteur Frankenstein.

Nous avons pu voir des adaptations sous forme de comédie (Ghostbusters…) de films pour enfants (Casper le gentil fantôme, Scoubidou…) et même sous forme de comédie musicale. (Le Fantôme de l’opéra, The Rocky horror picture show…)

L’engouement s’est poursuivi dans différentes communautés littéraires, que ce soit avec des Entretiens avec un vampire d’Anne Rice, ou les lectrices adulescentes affamées de Twilight (vampire torse nu versus loup-garou à pectoraux poilus).

Dark Shadows de Tim Burton est donc un descendant direct d’un genre underground, teinté de romantisme et de poésie. Tim Burton est d’ailleurs un des maîtres en ce domaine, avec Edward aux mains d’argent, Sleepy Hollow, L’étrange noël de Monsieur Jack et Les Noces funèbres.

Chaque film de son répertoire est grandement attendu par ses adeptes, tant pis si le résultat est médiocre, ça se regarde au nom sacré de la pop-culture.

Le portrait de famille :

Cher spectateur, vous voilà introduit au sein d’une cellule familiale en plein déclin, entre la tante qui tire les ficelles, le père infidèle, la défunte mère, la fille rebelle, le fils névrosé, la psychologue alcoolique, la nounou cheloue, et le majordome croque-mort. 

On dirait un cluedo dans lequel les morts auraient tendance à revenir hanter les vivants.

La Famille Addams nous avait servi la même soupe. Vous vous souvenez, avec la chose, Morticia et l’oncle Fétide ?

Là, non seulement nous avons le droit au vague à l’âme d’un vampire, mais nous le voyons contraint de s’intégrer dans une famille terriblement universelle, avec les gags qui en découlent. Crise d’adolescence ? Crise de la pseudo-quarantaine ? Mais oui !

C’est ce qui permet de transformer ce qui aurait pu être un film d’horreur en une comédie familiale accessible à toutes les tranches d’âge de spectateur. (Bon, pas trop jeunes non plus. Ça cause sexe quand même ! )

Dark Shadows garde sa vocation à toucher un large public et souhaite plaire même à ceux qui n’aiment pas les récits de monstres. En total respect avec l’esprit de la série originale.

La bande-son :

Dark Shadows, c’est un hommage au rock’n’roll des années 1970. Vous y trouverez donc de nombreux clins d’œil, des reprises d’Iggy Pop, de Donovan, The Carpenters, Barry White… et Alice Cooper.

Le chanteur Alice Cooper organise d’ailleurs un « happening » dans le manoir hanté, jouant lui-même à l’écran son propre personnage. Je vous le dis, ce n’est pas mon style de musique. Mais c’est sympa quand même de découvrir ce joyeux énergumène pousser la chansonnette pendant que le climax gonfle comme une veine sous garrot.

Au programme encore, Elton John et Black Sabbath.

Christopher Lee :

Si vous savez où porter votre regard, vous verrez qu’il fait une incursion dans la cinquième brindille de la troisième branche d’une intrigue secondaire. C’est fulgurant, bref, mais c’est Christopher Lee, et rien que ça, ça donne le sourire.

D’ailleurs, si vous aimez les caméos, les acteurs de la série télévisée viennent également nous rendre visite lors de la surprise-party au manoir.

Je crois que j’ai fait le tour. En fait, si le scénario n’était pas si creux que cela, le film aurait été bon.

Malheureusement, on nous a servi un véritable gruyère… et c’est la raison pour laquelle, plutôt que d’évoquer les bébêtes qui apparaissent à l’écran et qui sont aussi superficielles que multiples (vampires, sorcières, hippies, fantômes et même loups-garous), je vais m’en tenir à un monstre très générique et relativement abstrait : la malédiction.

Grosse voix tremblotante : La… Malédiction… ouhouhou…

Oui, c’est immatériel. Mais c’est comme le coronavirus, ça vous colle à la peau et vous ne savez pas comment vous en dépêtrez. En plus, la malédiction peut vous poursuivre sur plusieurs générations. On peut considérer dans ces conditions qu’il s’agit d’un des plus épouvantables monstres de tous les temps.

Contrairement à la prophétie (développée à propos de Minority Report) qui est la faute à pas de chance, la malédiction est un acte volontaire, et indubitablement malveillant.

Dans le dictionnaire, vous trouverez la définition suivante : « Paroles par lesquelles on souhaite avec véhémence tout le mal possible à une personne, une famille, une ville, un pays, etc., sans appeler la colère de Dieu, mais le plus souvent en l’impliquant. » (CNRTL)

Les plus vieilles malédictions connues se trouvent dans les textes dogmatiques (déluge, les plaies d’Égypte, etc.)

Par principe, la malédiction requiert l’aide de puissances extérieures divines. Pour cela, les malédictions sont très souvent associées à la religion ou à la sorcellerie. (Remarquez comme on met vite les deux dans le même panier, alors que longtemps, les premiers ont pourchassé les seconds !)  

On ne nait pas avec une malédiction sur sa tête, il faut encore que quelqu’un vous la lance. C’est pourquoi elle peut aussi être temporaire, ne durer que quelques milliers d’années. Si vous êtes sages, votre opposant peut la lever. Ainsi, les malédictions « on – off » deviennent de bons prétextes à chantage :

  • Chantage du jeteur de sort sur sa victime.
  • Mais également chantage de la puissance divine sur le jeteur de sort.

Si vous pensiez que la malédiction relève des œuvres de l’imaginaire, c’est vrai. En partie, néanmoins, car dans de nombreuses cultures, les malédictions se pratiquent toujours, et si vous lisez La Légende de la mort d’Anatole Le Braz, vous découvrirez comment les Bretons jusqu’au 19e siècle, s’amusaient à jeter des sorts à leurs concitoyens grâce aux statues de Saint-Yves-De-La-Vérité.

Il suffisait de se fâcher pour une vache, et neuf mois plus tard, vous pouviez vous dessécher sur pied jusqu’à trépas. Trug’ !

Au cinéma, les malédictions surviennent très souvent lorsque l’on vient troubler le repos d’un mort… Vous en retrouverez en pagaille chez les pilleurs de tombe et les détrousseurs de momie. (La Momie et quasi tous les films sur le même sujet, Lara Croft et consorts, Pirates des Caraïbes et la malédiction du Black Pearl)

Vous trouverez aussi des malédictions chez ceux qui vont construire un building sur un ancien cimetière, emménager dans une maison hantée ou qui tout simplement vont s’en approcher. (Simetierre et ses animaux zombies, de Stephen King.)

Certains gestes anodins peuvent provoquer des malédictions et vous plonger dans une spirale infernale. (RingPrincesse Mononoke… dans deux genres différents.)

Et enfin, si vous cherchez des malédictions jetées en direct — les plus puissantes — je vous invite à découvrir des films plus anciens comme Le Masque du Démon de Mario Bava, où l’on apprend que brûler une sorcière n’est pas toujours la meilleure des idées.

Sur le même concept, et si vous voulez rester dans l’univers de Tim Burton, bien sûr, vous avez Sleepy Hollow. Peut-être le film qui vous fera perdre la tête. Ou peut-être la retrouver.

Bon, sur ce, je vais chasser le lapin de Pâques et voir s’il n’a pas deux canines pointues à la place des incisives. On ne sait jamais avec toutes ces mutations coronavirales…

Joyeux weekend festif à tous !    

Sources : Allociné, Wikipédia, photos copyright Warner Bros.

10 commentaires sur « Film : Dark Shadows de Tim Burton »

  1. Panorama toujours très complet qui me donne néanmoins très envie de me remettre à ce Dark Shadows, excellent film d’halloween en effet (du coup, mieux vaut le laisser au caveau jusqu’en octobre).
    C’est clair que c’est pas le Tim Burton du siècle, et question comédie, on la connu neeeettement plus drôle avec son « jus de scarabée ». Ici, comme dans la série je pense, beaucoup de gags exploitent le décalage temporel, façon Hibernatus ou Les Visiteurs (Captain America, first Avenger aussi d’une certaine manière… 😁). Des fois ça marche (le fameux M), des fois moins.

    Aimé par 2 personnes

    1. Yep ! Pour moi, la référence en décalage temporel, ça reste quand même la trilogie de Retour vers le futur. 🙂
      Je crois que le secret pour réussir un film sur ce thème, c’est de réussir à rendre le protagoniste attachant.
      J’aime beaucoup le perso de Captain America, parce qu’il a de bonnes valeurs morales et sait évoluer d’épisodes en épisodes. Pour notre vampire Barnabas, il est tellement antipathique… ça n’aide pas le boulot des scénaristes.

      Aimé par 1 personne

  2. Toujours aussi chouette !
    Je dois dire que,quand j’ai vu que le sujet de l’article était un film de Tim Burton, j’ai un peu grimacé : je dois être l’une des rares personnes à ne pas apprécier ce qu’il fait (et pourtant, je suis une fan de fantastique…). C’est le côté décalé, je n’accroche pas.
    Bref, tout ça pour dire que, même malgré ça, j’ai apprécié ma lecture et même plus, je me suis marrée : j’adore tes comparaisons (ou métaphores ?) notamment (ha, ha, le climax qui enfle comme une veine sous garrot ! ^^). Et le ton employé, de manière générale.
    Et puis, j’ai trouvé le passage sur le courant artistique gothique très intéressant.

    Aimé par 1 personne

  3. Chez Tim Burton, il y a du bon et du moins bon… comme chez tout le monde, d’ailleurs. Mais Sleepy Hollow, tu as testé ? C’est sans doute mon préféré. Qu’est-ce que tu aimes comme film fantastique ?

    Pour le courant gothique, j’aurais l’occas’ de revenir dessus. =) C’est un sujet vaaste !

    J’aime

    1. Oui, j’ai vu Sleepy Hollow et je n’ai pas été emballée non plus…
      Bah, j’aime des grands classiques : le Seigneur des Anneaux, les Harry Potter, plusieurs films de Night Shyamalan que j’ai aimés aussi, tous les bons films de SF, les dystopies, etc., il y en a un paquet !
      Disons que c’est le côté comique, burlesque ?, que je n’apprécie pas chez Burton.

      Aimé par 1 personne

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