Festival de Cannes 2021 #07 – Aline de Valérie Lemercier

J’vous ai dit qu’à Cannes, on se laissait en partie porter par les opportunités de la programmation. Depuis quelques jours, je bataille entre les horaires pas compatibles, les salles trop éloignées les unes des autres pour que je puisse courir à une séance ric-rac, et les séances pour lesquelles j’avais bloqué mon emploi du temps, mais finalement je n’ai pu obtenir de billets. (Pas faute d’y avoir cru jusqu’au dernier instant.)

Mardi soir cependant, j’ai eu une bonne surprise avec à la clef une montée des marches à la séance de 18h45. C’est à dire le Saint Graal du festivalier non-professionnel. Les séances de l’après-midi et du soir ont lieu en présence des acteurs/réalisateurs du film et autre gratin du show-biz. Ce sont celles-ci qui donnent lieu aux célèbres retransmissions TV et aux clichés photographiques qui pullulent après dans les magazines peoples pour savoir qui porte quelle marque de sous-vêtements. Ces séances un peu spéciales sont très recherchées – parce qu’elles font rêver – et les billets sont rares.

Certaines années, les accrédités « cinéphiles » n’ont même pas le droit de monter les marches à ces horaires… En 2021, les dispositions covid ont permis d’assouplir les possibilités d’accès à ces séances très particulières.

Dans ces conditions, on ne se demande même pas quel est le film de la soirée, on galope chercher son nœud pap’ (obligatoire !) et on redescend à la même vitesse de pointe pour arriver à l’heure. Ca me donne l’occasion en même temps de vous raconter un peu à quoi ça ressemble, une montée des marches vue de l’intérieur.

Déjà, il faut savoir que si la séance est à 18h45, la convocation est à 17h45. On ne rentre pas dans la salle au même moment que les célébrités. Nous, petites gens, sommes parqués dans une file d’attente un peu à part. Chacun reluque la tenue de soirée/smoking de l’autre, puisque le dress code à respecter n’est pas toujours très naturel pour nous, et beaucoup s’adonnent à la joie du selfie ou de la frime sur les réseaux sociaux en attendant l’heure H où l’on nous déparque pour affronter le tapis rouge.

Quand vient ce moment fameux, tout s’accélère. Les vedettes commencent leur montée des marches dix mètres avant nous, en passant par un couloir de photographes/caméramans. Nous, non. On monte les marches tout simplement dans l’indifférence générale, tout en se disant que des talons célèbres ont foulé avant nous et fouleront encore après nous ce lieu mythique.

Tout en haut, le luxe est de se retourner un instant pour observer ce qui se passe en contrebas. C’est aussi le moment où il fait bon de s’attarder parce que si les stars commencent leur voyage plus tôt que nous, on se retrouve tous en haut l’espace de quelques secondes. Qui est le type à gauche aux cheveux grisonnants ? Tim Roth ? Et là à droite, la fille dans la jolie robe, est-ce que je la connais ? Les masques en période Covid rajoutent du piquant, devinez devinez devinez qui je suis…

Et puis, on rentre dans la salle, et on passe aux choses sérieuses, à savoir les marches du Grand Théâtre Lumière, sans tapis rouge et bondées de foule. Ce sont les seules vraies marches qui comptent ici. Les VIP ont un placement numéroté dans la partie basse, les petites gens bénéficient d’un placement libre en balcon et corbeille. La salle est vertigineuse. Surtout quand vous êtes assis tout en haut, l’escalade parait longue. Il n’y a pas assez de lettres dans l’alphabet pour nommer les rangs. Quand vous dépassez le rang Z, ça recommence AA, AB, AC…

Tout en regardant où poser ses pieds, on cherche aussi où poser son derrière. Enfin, on se trouve un coin, et il ne reste plus qu’à attendre encore trois quart d’heure avec les projecteurs dans les yeux qui vous grillent la rétine.

Rassurez-vous, même à l’intérieur, il y a beaucoup d’animation. L’écran de projection est allumé et nous pouvons suivre du GTL ce qui se passe en temps réel sur le red carpet avec un présentateur super cultivé qui nous explique qui arrive. Cette année, pas de limousines parce que le festival s’engage pour l’écologie, mais des voitures hybrides. Des hôtesses aux gants blancs ouvrent les portières des véhicules. Machin du monde de la nuit sort et sourit aux caméras… L’équipe de projection du film une huitre mon amour signe des autographes au premier rang du public qui se presse contre les barrières de sécurité… Ah, Isabelle Huppert qui a animé sa masterclass l’après-midi même débarque, enfin un visage que je suis capable de reconnaître… Youpi.

A ce stade, les VIP se différencient en deux catégories : ceux issus du milieu du cinéma et qui ont en général une certaine classe et autant de bon sens, et les autres… Ceux qui viennent à Cannes comme on remplirait une ligne de CV, afin de dire « j’y étais ».

Ah… Cannes et son célèbre adage : « voir et être vu » !

Certaines filles avec des robes acrobatiques ou transparentes sont capables de faire durer les dix mètres du couloir des photographes/cameraman pendant plus d’un quart d’heure. Elles déambulent en se tortillant du côté gauche au côté droit, font des mimiques que la caméra immortalise, et puis ensuite, au moment d’effleurer la première des vingt quatre marches et d’enfin laisser leur place à d’autres, elles repartent en arrière du début du tapis rouge et recommencent leur manège. Elles ne sont là que pour être photographiées. A la fin, quand il ne reste plus qu’elles, on les voit concourir à trois ou quatre à qui restera le plus longtemps sous le crépitement des flashs.

Les derniers à monter les marches sont normalement les gars et girls de l’équipe du film projeté. Ce mardi, pour Aline, c’était Valérie Lemercier et ses acteurs qui se sont collés à l’exercice.

Et puis étape indispensable suivante, le présentateur nous dit qu’ils arrivent et on applaudit.

L’équipe du film rentre dans la salle, on applaudit. Valérie Lemercier hésite entre un masque noir et un masque rose, on l’applaudit.

L’écran de cinéma s’allume, on re-applaudit.

Le jingle festival de Cannes apparait, on applaudit encore. Le logo TFI ou Gaumont and coe apparait, et on applaudit. (Il n’y a que le logo Amazon original qu’on entend parfois huer)

Puis le nom du film, nouvelle salve d’applaudissement à coup des moignons qu’il nous reste, et enfin, ça commence.

J’ai l’air un peu cynique en vous racontant tout cela de cette manière, mais en vérité, chaque montée des marches reste un moment magique. Je suis comme tout le monde, j’apprécie beaucoup ces instants précieux, même s’il sont surévalués et tout et tout… Une montée des marches à Cannes, ça a toujours un petit quelque chose de sacré et un goût de reviens-y.

Au-delà de ça, c’est émouvant d’assister à une projection en présence des acteurs, et chaque éclat de rire ou cri du public durant le film a, avec eux, une résonnance particulière. On y ressent de la sincérité. Un échange se produit entre eux et nous, et lorsque le générique de fin arrive et que c’est reparti pour dix minutes d’applaudissement, que les caméras se rallument pour filmer en gros plan la trombine des acteurs secondaires, puis des premiers rôles, et qu’on les voit verser quelques larmes d’émotion parce que pour eux, c’est un aboutissement, franchement, c’est beau.

Il est difficile de juger un film dans ces conditions, car on n’a pas envie de critiquer ces gens-là. On a envie d’être gentil.

En même temps, ce mardi soir, le film projeté c’était Aline… le biopic autour de la vie de Céline Dion, et si j’ai le plus grand respect pour tous ces acteurs et réalisateurs, on ne peut pas en dire que du bien non plus. Faut pas exagérer.

De quoi ça parle ?

De la vie de la chanteuse québécoise Céline Dion, ici renommée Aline Dieu. Il ne s’agit pas d’un biopic strict, l’histoire est « librement inspirée par », ce qui signifie qu’une bonne partie des anecdotes mignonnes ont été inventées pour les besoins du scénario.

La chanteuse qui prête sa voix au personnage d’Aline n’est pas non plus Céline Dion, mais Victoria Sio pour Aline adulte et Emma Cerchi pour Aline enfant.

L’intrigue est axée quasi exclusivement sur la relation sentimentale d’Aline avec son agent, à l’instar du mythique amour Céline Dion/René Angelil.

Pourquoi voir ce film ?

…OK, faut que je vous dise tout de suite, je n’aime pas Céline Dion. Si vous aimez Céline Dion, ne tenez pas compte de ce que je vais dire et allez voir ce film, vous allez kiffer.

Pour les autres : il s’agit à mon goût d’une comédie musicale très imparfaite. Je n’ai rien à reprocher aux chansons qui sont bien interprétées, mais tout simplement… l’intrigue est vide. Il ne se passe rien d’intéressant ni d’un point de vue cinématographique, ni d’un point de vue narratif. On m’aurait lu un bouquin écrit par un biographe sur Céline Dion pendant une heure trente, ça m’aurait fait le même effet. En plus, là, je ne sais même pas ce qui est vrai et ce qui est inventé dans l’histoire, donc je n’ai pas l’impression d’en être sorti plus cultivé et de pouvoir ramener ma science en répondant à des questions-apericubes.

Ce film a quand même une qualité importante : son casting est majoritairement québécois, et le film est lui-même tourné en québécois. C’était très agréable à entendre, même si n’étant pas habitué, je me suis parfois repéré à l’aide des sous-titres en anglais. (Shame…)

Il y a aussi pas mal d’humour, de fait, le temps passe assez vite. J’ai beaucoup de tendresse pour l’actrice qui interprète la mère d’Aline Dieu et qui était juste adorable dans son rôle. Les autres acteurs étaient aussi très justes.

Je crois vraiment que le problème de ce film réside dans le manque de profondeur de son scénario qui aurait mérité d’être mieux construit. (J’aurais pu dire la même chose du dernier biopic autour de la vie de Billie Holliday.) Désolé de ne pas avoir été très enthousiaste pour ce film.

Y a-t-il des monstres dans ce film ?

J’aurais aimé vous dire qu’Aline Dieu était un monstre de scène, mais l’intrigue tournant quasi exclusivement sur ses déboires sentimentaux, même ça c’est compliqué.

Céline Dion est connue pour ses shows grandioses, avec ses multiples changements de costumes entre chaque chanson. (Ta voix, c’est 45% d’un spectacle réussi, baby, le reste, c’est communier avec ton public.)

Malheureusement, Aline Dieu a loupé le coche, en nous présentant des spectacles sans réelle envergure. Aucun monstre décent à se mettre sous la dent cette fois-ci.

Le film sortira théoriquement en novembre 2021 dans les salles françaises.

Retrouvez les précédentes chroniques du Festival de Cannes 2021 :

#01 Présentation du projet

#02 La cérémonie d’ouverture

#03 Annette de Leos Carax

#04 Benedetta de Paul Verhoeven

#05 Bergman Island de Mia Hansen-Løve

#06 Flag Day de Sean Penn

11 commentaires sur « Festival de Cannes 2021 #07 – Aline de Valérie Lemercier »

  1. J’ai carrément kiffé cette rubrique papier glacé en préambule. J’aurais moi-aussi me la péter dans mon costume de pingouin. Un jour peut-être…
    Et je suis comme toi, la Céline ne m’émeut guère et pourtant l’idée d’un biopic revu et corrigé par Lemercier me tentait bien. Visiblement, ça ne vaut pas le déplacement. Encore raté alors…

    Aimé par 2 personnes

    1. N’hésite pas à tenter si le film t’inspire, tu auras peut-être un avis plus positif que le mien. ^^ Après, pour une réalisation de Lemercier, je l’ai trouvée un peu tristoune… Rien à voir avec Palais royal par exemple.
      Pour le festival, tu peux facilement tenter l’expérience si tu ne l’as jamais fait. Tout le monde peut demander à bénéficier d’une accréditation de type « cinéphile », c’est sur lettre de motivation + pièces justificatives de ta passion pour le cinéma.

      Aimé par 1 personne

  2. Roooh, j’en reviens pas que tu aies monté les marches ! Je veux absolument le selfie, hein ! ^^ Super chouette de lire l’envers du décor (et super bien raconté, comme d’hab) !
    Quant au film, bon, euh, on va dire que je ne suis pas surprise. Il sort quand le biopic sur Axl Rose alors ?!! ^^

    Aimé par 2 personnes

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