Reims Polar 2022 #04 – Assault de Adilkhan Yerzhanov

Deuxième film de la compétition officielle, dont je vais vous parler. Prenez les bonnets, ça va neiger sévère.

Assault de Adilkhan Yerzhanov

Pour remettre ce film dans son contexte, Adilkhan Yerzhanov est sans doute un des réalisateurs kazakhs les plus connus de ces dernières années. (N’allez pas me dire que c’est le seul, je vous vois venir.)

Pour la petite histoire, il s’est battu pour que le cinéma d’auteur soit accepté au Kazakhstan, alors qu’il n’était admis que les films commerciaux et les films… hum… patriotiques soviétiques, va-t-on dire.

Yerzhanov a prôné l’existence d’une « troisième voie », et pour cela, il a reçu de nombreux coups de pied au cul, notamment de son studio de cinéma de l’époque qui a voulu arrêter son financement.

C’est peu ou prou à ce moment là qu’il a percé au niveau international et a reçu le soutien de festivals. Il s’est également battu pour pouvoir continuer ses films, qui sont donc par principe méritants.

Son crédo est aujourd’hui la réalisation de films à petits budgets qui traitent des réalités sociales contemporaines.

Si vous voulez en savoir plus sur son histoire (honnêtement, je l’ai découverte en rédigeant cet article), je vous renvoie à l’excellent post de Marc L’Helgoualc’h publié sur le site EastAsia. (Lien ici)

Je vais aussi vous donner quelques noms d’acteurs du film : Azamat Nigmanov, Aleksandra Revenko, Nurbek Mukushev… Pour la plupart d’entre eux, il s’agit sauf erreur de leur première apparition au cinéma.

Vient le moment de la projection.

De quoi ça parle ?

Dans une ville fictive du Kazakhstan, des preneurs d’otages envahissent en un temps record une école pleine d’élèves.

Ils menacent de tuer un enfant toutes les cinq heures. Pourquoi ? On n’en sait rien.

Tout ce qu’on sait, c’est qu’on ne peut pas attendre l’intervention des forces armées régulières, et qu’une équipe de bras cassés, en l’occurrence des parents d’élèves et des professeurs vont essayer de résoudre par eux-mêmes le problème.

Le titre aurait pu être écrit au pluriel. Deux assauts nous guettent, le premier des prédateurs, et le second des proies qui se rebellent.

Pourquoi voir ce film ?

Si je dis « pour le dépaysement », personne ne va se vexer ? Parce qu’en réalité, si le Assault est incontestablement intéressant dans son traitement, il ne m’a quand même pas vraiment emballé, hormis pour ses superbes paysages froids et hostiles à la Wind River. Je n’étais pas le seul à bâiller dans la salle, et pour un festival du polar, l’ennui ça ne pardonne pas.

Cependant, je suis très heureux de m’être confronté au cinéma kazakh. Hollywood aurait pu nous pondre un blockbuster merdique autour du même scénario, alors que là, il y a quand même quelque chose à se mettre sous la dent et qu’on ne peut pas voir ailleurs.

L’histoire fusionne quelques faits divers locaux, à savoir la prise d’otage de l’école de Beslan en Ossétie du Nord en 2004 et la fusillade de l’école n°175 de Kazan au Tatarstan du 11 mai 2021. Le film demeure bien une fiction, attention, mais il se nourrit d’événements dramatiques réels qui ont donc pour le spectateur (et certainement encore plus pour l’équipe de tournage) un écho particulier.

Ensuite, Assault est un film absurde où peu importe le pourquoi du comment de la catastrophe, il faut agir, même si tout ce qu’on entreprend est d’un ridicule sans nom. Ce n’est pas un thriller sérieux, personne ne parierait sur le succès de l’opération militaire montée par les parents d’élèves. Tous l’avouent : aucun d’entre eux ne sait se battre. Le seul qui sait manier une arme est alcoolique. Le seul qui sait courir vite présente un handicap mental.

95% du film mise sur l’humour (cynique, on rit des faiblesses des gens, heureusement que Will Smith n’était pas là).

Mais c’est justement parce que la troupe d’avengers est mal barrée que l’on commence à s’interroger sur cette incapacité des parents/institutions à protéger leurs enfants. C’est annoncé dès l’introduction, les prises d’otage sont récurrentes dans le coin, et il est présumé que les adultes d’aujourd’hui sont les enfants d’hier ayant connu ces mêmes traumatismes. Les proies et les prédateurs vivent librement ensemble depuis la nuit des temps. C’est tragique, mais ainsi, ils coexistent. C’est la loi de la nature. Personne n’y peut rien, et même il est préconisé de ne pas vouloir changer les choses pour conserver cet équilibre.

La fable est amère. Plus encore quand dans le drame collectif se rajoute un drame individuel. Un père de famille divorcé refuse de laisser partir son fils avec sa mère. Plutôt que d’accepter un transfert de résidence, il enferme son gamin avec toute sa classe durant la fusillade, avant de s’enfuir avec la clef.

Comme quoi, ce film a quand même des choses à apporter. Je pourrais parler encore des images visuellement marquantes, telle la forme des masques des ravisseurs. Ou des enfants coincés dans la salle de classe et qui tapent sur les vitres. Du sang et de la merde par terre. Peu d’images violentes, ça ne dure que quelques minutes, mais tant de suggestion qu’il s’en est fallu de peu par moment pour que ce film catastrophe soit catégorisé en film d’horreur.

Je ne vous raconte pas tout, des fois que vous ayez envie d’aller le voir en salle. Il repassera sans doute, d’autant plus qu’il a reçu (à mon grand désarroi) le grand prix du jury, et le prix de la critique conduit par Philippe Rouyer.

Voyez donc ce film, et faites vous votre propre avis !

A bientôt pour le débrief du troisième film de la compétition. =)

Retrouvez les précédentes chroniques du Reims Polar 2022 :

#01 Retour en festival

#02 Cérémonie d’ouverture

#03 Entre la vie et la mort de Giordano Gederlini

10 commentaires sur « Reims Polar 2022 #04 – Assault de Adilkhan Yerzhanov »

  1. Ah, je note merci ! On ne l’a pas vu, Rhino, j’espère qu’il sortira un jour en salle.
    (J’ai l’impression de dire ça tout le temps en ce moment. Chaque semaine, je vois des films annoncés qui ne sont au final programmés nulle part…)

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