Livre et Série TV : Patrick Melrose

D’après les romans d’Edward St Aubyn et la série réalisée par Edward Berger 

Survivre et se libérer des monstres

Bon bon bon. Voici une chronique délicate que je prépare depuis un certain temps sans trop savoir comment aborder le sujet.

Pourquoi ? Eh bien, parce que l’œuvre de St Aubyn comporte une dimension autobiographique. C’est de l’autofiction comme on dit. Le personnage de Patrick Melrose s’inspire de l’auteur, les parents de Melrose correspondent à priori peu ou prou aux siens. L’ouvrage littéraire en cinq volumes a été écrit pour extérioriser ses démons. Patrick ? C’est un prête-nom.

L’enfance de St Aubyn a été marquée par les viols incestueux de son père, avec complicité de sa mère, de ses 5 à 8 ans. Puis par la toxicomanie de 16 à 28 ans. Ce n’est pas vraiment l’histoire d’un type qui rentre dans un bar… Ou plutôt si, mais en mille fois plus compliqué.

En même temps, la saga Melrose est également une œuvre de fiction. Ce n’est pas une retranscription exacte de la vie de l’auteur (par exemple, St Aubyn a une sœur qui ne figure à aucun moment dans le récit), beaucoup de personnages sortent de son imaginaire, l’essentiel des situations aussi. Ces romans ne sont pas à prendre pour une vérité.

Il est ainsi difficile de démêler la part fictive du reste. C’est judicieux, on conçoit déjà à quel point cela a dû être délicat d’extérioriser ses traumatismes et de les exposer à un public… St Aubyn a choisi de conserver un dernier voile de pudeur en brouillant les pistes. 

Voilà, vous comprenez un peu pourquoi je patauge dans le pudding.   

Comment réussir à parler de Patrick Melrose avec à la fois tact et regard critique ? Comment juger un personnage qui s’apparente à son auteur, sans juger celui-ci ? Misère.

Mais commençons par le début. Ma grand-mère disait toujours : « avant de tricoter la chaussette, attrape le mouton. »

Moi, quand j’ai découvert la série télévisée, puis les romans (dans cet ordre), je ne voyais que l’intrigue. J’ignorais tout du caractère autobiographique de l’ensemble, et je ne m’intéressais qu’aux personnages, à l’histoire brute. Tous mes propos à venir ne vont donc concerner que Patrick Melrose, le personnage de fiction et sont dépourvus de tout jugement envers l’auteur. (Si ce n’est une certaine admiration pour sa plume que j’avoue volontiers.)   

Patrick Melrose, cinq romans pour un homme :

La saga Melrose, c’est une succession de romans courts, d’environ 200 à 300 pages chacun, écrit par un auteur britannique qui, donc, en a chié dans la vie. Et qui a décidé que son personnage en chierait tout autant que lui. Ah oui aussi, c’est un roman choral, c’est-à-dire que nous ne suivons pas un unique protagoniste, mais tous ceux composant un microcosme dans la haute société bourgeoise anglaise.

Cinq titres, traduits de l’anglais au français :

  1. Peu importe
  2. Mauvaise nouvelle
  3. Après tout
  4. Le goût de la mère
  5. Enfin.

Et aujourd’hui regroupés en un volume intégral au Livre de Poche.

« La première fois qu’elle avait vu David, douze ans auparavant, elle avait été immédiatement séduite par son expression. Cet air que les hommes se croient autorisés à prendre en contemplant leurs terres à travers les vitres d’un glacial salon anglais s’était fait, en cinq siècles, toujours plus inflexible pour atteindre, avec David, la perfection. »

Peu importe, écrit par Edward St Aubyn

Peu importe présente la jeunesse de Patrick Melrose, décrite principalement du point de vue de son père, David Melrose, avec quelques passages rapides du regard de l’enfant, des invités et de la mère, à l’occasion d’une soirée organisée dans leur maison du sud de la France. Les personnages entrent en scène, persiflent, se détestent, picolent et s’humilient et tout cela se termine en toute légèreté sur le viol de Patrick par le grand ponte paternel.  

Ce passage fondamental du récit se veut presque anecdotique compte tenu de l’énergie déployée par le père pour nuire à tout son entourage. David Melrose est le mépris incarné envers tout être de chair, pas seulement son fils.

Le cadre est posé, le drame s’est produit et il ne nous reste plus qu’à souffrir des conséquences avec Patrick Melrose durant les 800 pages suivantes à lire.      

« Au début il avait été question de consacrer une partie de sa fortune à la création d’un foyer pour alcooliques. Dans un certain sens, ils y avaient réussi. »

Peu importe, écrit par Edward St Aubyn

Les années passent… Une Mauvaise nouvelle arrive : le père est mort.

Patrick Melrose est en pleine adolescence tardive, à la recherche de la meilleure manière de se foutre en l’air. Il explore plusieurs pistes efficaces : l’alcool, les drogues, le sexe rapide avec tout ce qui consent à la chose. (En général, ce sont des filles.) La rencontre entre Patrick et l’urne funéraire de son père va donner lieu à un étrange pas de deux sous acide.

Évidemment, même un mort peut continuer à vous pourrir la vie.  

« Il était là dans son cercueil comme un paquet cadeau que quelqu’un aurait commencé à déballer avant de le laisser en plan.

– Mais c’est papa, susurra Patrick, affectant l’incrédulité et se tournant, les mains jointes, vers un ami imaginaire. C’est trop ! Vous n’auriez pas dû. »

Mauvaise nouvelle, écrit par Edward St Aubyn

Après tout annonce l’âge de raison. Patrick Melrose tente désormais de prendre soin de lui. Il n’est pas très sociable, toujours pas bien dans ses godasses, mais il réapparait en société, et notamment lors de la méga fête organisée pour l’anniversaire d’une connaissance de connaissance, rencontrée dans le tome 1.

« Patrick sortit son smoking de la valise et le jeta sur le lit, s’y jetant lui-même à sa suite. Une note glissée sous la plaque de verre de la table de nuit avertissait : “Pour éviter toute déception, il est conseillé aux clients de retenir leur table.” Lui qui, toute sa vie, avait essayé d’éviter les déceptions se maudit de ne pas avoir découvert la formule plus tôt. »

Après tout, écrit par Edward St Aubyn

Ce troisième tome se positionne comme une critique sociale cynique et une ode à l’hypocrisie et tous ses dérivés. Les hommes et les femmes encore une fois se cherchent, s’aiment, se trahissent et se font souffrir. Et au milieu de tout ce cirque, Patrick Melrose, presque devenu figurant malgré lui, arrive enfin à confier à son meilleur ami les viols subis durant son enfance. (malgré les interruptions intempestives du serveur qui vient prendre leur commande…) C’est un progrès, et cela signe la fin de la première trilogie de l’auteur publiée entre 1992 et 1994.

« Peut-être y a avait-il du vrai dans cette idée, mi-futile, mi-profonde, qu’on doit désespérer de la vie pour être capable de comprendre sa valeur réelle. »

Peu importe, écrit par Edward St Aubyn

Les deux autres tomes de Patrick Melrose ont été écrits et publiés en 2005 et 2012. Ils n’étaient pas prévus initialement et ont été rajoutés pour achever l’histoire.  

Le goût de la mère change de point de vue. Les trois héros sont les deux enfants de Patrick Melrose, encore tout jeunes, et son épouse débordant d’amour et de compassion. Le couple Melrose est en pleine euphorie, malgré ses déboires avec la nounou et avec leur compte bancaire. En effet, la mère de Patrick, âgée et alitée, décide de déshériter son fils au profit du gourou d’une pseudo association caritative. (Tambours et paix ! Tambours et paix !) Toute la fortune familiale s’éclipse, la belle maison du sud de la France aussi.

 « Il aimait toujours sa grand-mère, même si elle ne leur laissait pas la maison. Son visage était un réseau de rides gagnées à force d’essayer d’être bonne, de se soucier de choses gigantesques comme notre planète, ou l’univers, ou les millions de gens nécessiteux qu’elle n’avait jamais rencontrés, ou du jugement de Dieu qu’elle allait rencontrer bientôt. Il savait que son père ne pensait pas qu’elle était bonne, et minimisait le fait qu’elle avait tellement envie de l’être. Il répétait à Robert qu’ils devaient aimer sa grand-mère “malgré tout”. Voilà pourquoi Robert savait que son père avait cessé de l’aimer. »

Le goût de la mère, écrit par Edward St Aubyn

C’est un deuil de l’héritage perdu (pécunier et moral), tout en étant une course au pardon, pour réussir à aimer la mère qui a laissé sévir le père durant des années en silence.

Le couple Melrose s’effrite après la naissance du deuxième garçon. Patrick devient un homme volage, toujours égaré dans une quête personnelle sans fin et une souffrance dont il ne s’extrait pas. L’alcool revient à la charge, le spectre du père aussi, maintenant qu’il l’est à son tour. Parfois, on se dit que Monsieur Melrose sénior est comme le fantôme poursuivant Macbeth. Sauf que Macbeth avait du sang sur les mains et que Patrick Melrose est seulement une victime. À croire que les fantômes s’en foutent. Ils hantent avec indifférence les uns et les autres.  

Sa mère Eleanor, malade, exprime son souhait d’en finir et Patrick Melrose s’interroge sur les possibilités de l’euthanasier tout en prenant en considération qu’il s’agit dans son pays d’un acte répréhensible par la loi.

Doit-il tuer sa mère ? Doit-il faire preuve de bienveillance ? Où commence et où se termine la piété filiale lorsqu’on n’a jamais bénéficié d’affection ?

« Patrick ressentit soudain ces émotions passées comme une oppression physique. Il passa son doigt à l’intérieur de son col pour s’assurer qu’il ne cachait pas un nœud coulant. »

Enfin, écrit par Edward St Aubyn

Enfin offre la conclusion. La mère est morte, l’enterrement se prépare, puis la cérémonie où chacun y va de sa petite phrase spirituelle et les commentaires sur les choix des musiques. Le récit s’achève sur les points de vue de plusieurs personnages, avec moult flashbacks avant de revenir sur celui de Patrick, célibataire, mais désintoxiqué.

 « À mesure qu’il montait péniblement dans sa chambre meublée, de minuscules combles aménagés en soupente au cinquième étage d’un étroit immeuble victorien de Kensington, Patrick semblait régresser à travers l’histoire de l’évolution, se courbant davantage à chaque étage, jusqu’à poser ses poings sur le tapis du dernier palier, comme un hominidé des premiers temps qui n’a pas encore appris à se tenir debout dans la savane africaine et ne fait que de rares et craintives expéditions hors de la protection des arbres.

- Putain, marmonna-t-il, alors qu’il reprenait son souffle et se redressait au niveau de la serrure. »

Enfin, écrit par Edward St Aubyn

Patrick va mieux. Enfin, on lui souhaite.


Dans la trilogie initiale, la plume de St Aubyn se veut légère et cynique, et honnêtement… je me suis marré presque à chaque paragraphe en le lisant. C’est très bizarre de rigoler autant, quand on parle de sujets graves. Il y a beaucoup d’humour, de détachement, là où on sent pourtant de bons restes de douleur. Monsieur St Aubyn est capable d’analyser le comportement social de ses personnages avec clairvoyance et de l’exprimer avec simplicité et justesse, malgré la complexité des situations présentées.

C’était la volonté de St Aubyn de transformer sa tragédie en un bouquin agréable à lire. Sur ce point, je trouve le résultat complètement réussi.

Il y a quelque chose de puissant qui sort de son écriture, sans doute parce que ça a dû bouillonner un moment au fond de ses tripes avant de remonter à la surface. Patrick Melrose ? Un geyser ? Oui, pourquoi pas.

Il paraît que St Aubyn est un obsessionnel du mot juste, pouvant réécrire jusqu’à trente fois le même passage. Ça se ressent, évidemment. J’ai apprécié aussi les nombreuses descriptions pointues des lieux, des détails, des petits riens. Et pour moi qui rencontre des difficultés à transformer les mots en images, ce style d’écriture relève du pur bonheur.

Tout n’est pas facile à lire, certains chapitres sont assez ardus. Et longs. Les trips sous acide et les conversations intérieures de Melrose ne sont pas forcément les passages les plus sympatoches, mais ils sont nécessaires pour comprendre le personnage et son vécu.

Le roman n°4 Le Goût de la mère est à recommander à tous ceux qui affectionnent les paroles d’enfants. Pour avoir un point de vue sur le monde à moins d’un mètre au-dessus du sol. Pour le plaisir de réapprendre à parler et à penser. (et à chevaucher des tapis volants) Ce n’est pas étonnant si ce roman a été récompensé du prix Femina, il est vraiment à part et plaisant à lire, même si l’humour se perd au profit d’une sorte de nostalgie de la famille idéale.

Le roman n°5 Enfin est en demi-teinte. La partie de l’enterrement et les multiples retours en arrière sont assez chiants, il faut le dire. J’avais l’impression que l’histoire n’avançait plus et que Melrose ressassait ce qu’il nous avait déjà expliqué en 800 pages précédemment. Ce sentiment résulte peut-être de la lecture des cinq tomes sans interruption, alors que l’écriture du dernier est intervenue longtemps après celui du tome 4. Je me suis demandé aussi si ce n’était pas un problème de traduction en français, la traductrice ayant changé en cours de saga, et ce volume ayant fait l’objet — il me semble — de différentes séries de correction. Mystère…

Et puis, St Aubyn a tendance à partir dans des dissertations philosophiques auxquelles on accroche ou non, selon le propos. Pour ma part, il m’a fallu la moitié de ce tome pour me remettre dedans.

Toute la fin par contre, lors de la cérémonie d’adieux, retrouve la légèreté du début de la saga. On en profite pour tuer les derniers amis vivants du père de Patrick, et on sent — à défaut d’un happy end — que notre personnage commence enfin à sortir de son apnée de trente ans.

La série télévisée Patrick Melrose :

L’œuvre de St Aubyn aurait pu tomber dans l’oubli, en France du moins, s’il n’y avait eu un acteur voulant la porter à l’écran.

Tout a démarré par un exercice de questions/réponses avec différents fans sur le site Reddit. Monsieur Benedict Cumberbatch a fait part de son attrait pour cette saga et son souhait de s’essayer un jour au personnage de Patrick Melrose. Comme il l’a dit lui-même : « C’est très intéressant de voir le personnage évoluer d’un enfant innocent à un jeune homme terrifié et autodestructeur, puis un trentenaire assagi, un mari, un père, un orphelin… quelle formidable trame pour un acteur ! » (Interview Canalplus par Alizee Guigliarelli, le 6 mars 2019)

L’idée n’est pas tombée au fond du pot. Les producteurs qui possédaient les droits sur l’ouvrage se sont intéressés au projet, et après un casting éclair, Cumberbatch est devenu lui-même producteur associé via sa société SunnyMarch, outre le premier rôle de la série.

Épisode 1 Mauvaise Nouvelle, série télévisée Patrick Melrose

D’autres acteurs ont rejoint les rangs comme Jennifer Jason Leigh (Les Huit salopards, The Machinist… ce sont les seuls titres que je connais d’elle, mais elle a une carrière longue comme mon bras) et Hugo Weaving (Matrix, Cloud Atlas, Tu ne tueras point, V pour Vendetta… Elrond dans le Seigneur des anneaux. Bref, une carrière longue comme mon deuxième bras.)

Je ne vais pas vous citer tous les noms d’acteurs et actrices (je n’ai que deux bras), mais en gros, il y a du beau monde.

La minisérie télévisée baptisée Patrick Melrose a été écrite, produite, tournée, montée et coupée en cinq épisodes.

Épisode 2 Peu importe – série Patrick Melrose

Par rapport aux livres, quelques choix d’adaptation ont été opérés, comme inverser le tome 1 et le tome 2. La série démarre donc sur Mauvaise nouvelle : l’annonce de la mort du père et les crises désespérées de Melrose pour se débarrasser de l’urne funéraire qu’il doit pourtant ramener de New York.

Dans l’épisode 2 seulement sera abordé le trauma de Patrick et les viols de son enfance.

Ce choix est audacieux, dans la mesure où le premier épisode, qui est le plus sombre de tous, n’explique pas ce qui met le narrateur dans cet état. On comprend juste que le héros est un junkie et un type fondamentalement malheureux. On apprend comment se planter correctement une veine, et tout le champ lexical autour de la consommation de produits illicites. Cet épisode, qui est presque 100 % Cumberbatch, ne tient vraiment que par le talent de son acteur principal. C’est glauque, mais drôle, fou et à la fois explosif. Vous savez immédiatement si vous allez accrocher ou non à la série.

série Patrick Melrose

Épisode 2, tout change. Retour vers le passé. Autre époque, autre lieu, autres acteurs : Weaving et Jason Leigh crèvent l’écran. Le rythme est celui des vacances, du soleil et du sud. Tout va plus lentement. Les dialogues se soignent et nous faisons connaissance avec les autres personnages qui composent l’entourage des Melrose.

Chaque épisode représente une époque de la vie de Melrose et peut se regarder indépendamment des autres. C’est une mini-histoire dans la grande histoire de l’épopée d’un drogué-alcoolique-suicidaire qui a du vague à l’âme.  

Comme dans les livres, le Melrose « je m’injecte ce que tu veux avec le moindre objet tubulaire » disparaît très vite pour laisser place à un homme plus mature, en quête de délivrance, et qui cherche à devenir lui-même un père pour ses fils, et un fils pour sa mère qu’il aimerait être capable de ne pas haïr.

Comme un pont entre deux mondes, Monsieur St Aubyn apparait dans l’épisode 3 pour nous faire un joyeux caméo.

L’épisode 4, même s’il se regarde très bien, est tout de même moins intéressant que le tome 4 de St Aubyn, pour la simple raison que l’on perd en route le point de vue des enfants. L’épisode 5, pour sa part, corrige toutes les longueurs du bouquin. Aucun défaut de rythme, les scènes sont bien choisies. Le scénariste qui a adapté le livre a fait un excellent boulot.

De toute manière, la série entière est très juste. On y retrouve l’ambiance fidèle des livres, et celui qui apprécie le cynisme à la Melrose, goûtera avec un même plaisir les deux supports livres et série télévisée.

La découverte des deux œuvres est donc tout à fait complémentaire. Souvent on se demande si on préfère le livre ou le film adapté. (ou le livre adapté, c’est selon) Ici, il n’y a pas lieu à débat. Tout est bon.

série Patrick Melrose

Hé, vous voulez avoir du potin ?

Il paraît qu’une saison 2 de Patrick Melrose se profile… se réfléchit en tout cas. (source Télécabsat au 31 mai 2019)

Reste à savoir comment ils vont réussir à ramener à l’écran le Patrick… Les cinq romans de St Aubyn ont été utilisés pour la première saison. L’auteur n’avait pas l’intention immédiate de revenir à l’univers de sa saga. Sera-t-il associé au projet ? Comment vont-ils gérer ? Hu hu hu… Au moins, on peut dresser quelques pronostics…

Personnellement, j’opterais pour une saison 2 sur les enfants de Patrick et le défi de la paternité.

Patrick Melrose ou comment lutter contre soi-même… 

Il faut que je vous explique maintenant les raisons qui me font intégrer cette œuvre à ma Monstrothèque. Oui, dans ce récit, des monstres, il y en a plein. Mais ce n’est pas une œuvre de l’imaginaire avec licornes et dragons, c’est un drame humain.

Les père et mère sont tous deux des personnages horribles, tous comme la plupart des amis du couple, mais ce ne sont pas eux qui m’intéressent. La monstruosité des proches est d’ailleurs présentée comme quasi normale. Seule l’humanité dans ce monde de brutes est hors norme. Et encore… 

Eleanor Melrose, la mère de Patrick, qui fait preuve d’une charité disproportionnée envers toute personne extérieure à sa famille, démontre que même les valeurs humaines positives peuvent être en fin de compte monstrueuses. Elle consacre toute son énergie aux autres, délaissant son fils qui crève pourtant de n’obtenir aucune aide de sa part. Lorsqu’elle arrivera à divorcer et à s’extraire de l’emprise de son mari, elle partira sans Patrick. 

Qu’est-ce qui vient susciter ma curiosité, dans ce cas ?

Le long et hargneux combat intérieur de Patrick Melrose, enclenché contre lui-même et qui n’a pris fin qu’après les deux enterrements des aïeuls précités.

Il a un monstre en lui, presque génétique, qui le tourmente et contre lequel il lutte par tout moyen pour se défaire. Quelque part, en cherchant à se tuer, Patrick Melrose a le désir de tuer cette chose qui le bouffe. Il a tout essayé pour cela, sans réussir.

Même la parole : lorsqu’il raconte des années plus tard à sa mère qu’il a été violé par son père, celle-ci lui répond tout simplement « moi aussi. » Point, à la ligne. (Bon, je synthétise) Tout le monde s’en fout. Son passé, c’est entre lui et lui-même. Aucun secours ne viendra de l’extérieur, malgré quelques renforts positifs. Sa petite amie, son épouse, sa maîtresse, Anne… Les personnages féminins sont souvent présentés sous un meilleur jour que les personnages masculins. Le salut vient d’elles, mais Patrick Melrose n’est pas dupe.

« La serveuse était sans espoir. Julia était sans espoir. Eleanor était sans espoir. Même Mary finalement était sans espoir et ne l’empêcherait pas de regagner sa chambre meublée seul et sans aucune sorte de consolation. Ce n’étaient pas les femmes qui étaient à blâmer, c’était le pouvoir de ses propres illusions : l’idée qu’elles étaient là avant tout pour lui être utiles. »

Enfin, écrit par Edward St Aubyn

La détermination de l’individu par l’enfance est un bon sujet philosophique qui a dû être débattu plein de fois, y compris par des rangées de psychiatres et pédopsychiatres passionnés. Nous apprenons de nos parents, nous reproduisons inconsciemment certains de leurs gestes, leurs mimiques, jusqu’à leurs expressions de langage. Nous perpétuons aussi nos traumas ou si nous luttons contre, le combat est au risque de notre destruction psychique.  

Alors, comment y échapper ?

Je me souviens d’une phrase d’un épisode de Criminal Minds, qui disait, en substance : « pour s’en sortir, la victime survivante a deux choix. Soit elle devient criminelle à son tour, soit elle devient flic. »

St Aubyn, pour lui, a opté pour un plan C efficace : il est devenu écrivain.

Il n’est pas le seul. Le monde regorge de plumes qui s’essaient à l’écriture thérapeutique. La différence entre St Aubyn et la plupart d’entre elles est la qualité des productions littéraires qui en résultent. Sortir un roman lisible par un lectorat est un défi. St Aubyn, sur ce point, assure grave. Incontestablement. Aussi parce qu’il pratiquait déjà l’écriture, avant de l’utiliser comme un remède.   

Cette autofiction n’est pas un premier roman amateur. Elle a longtemps été travaillée, polie, brossée, avant de se destiner à un public. Et encore… ce n’était pas nécessairement l’intention initiale. Dans ses différents entretiens, St Aubyn explique :  

« Mon rêve serait d’écrire à l’ombre d’un rempart et, une fois terminé, de balancer mon livre par-dessus la muraille. L’attraperait qui voudrait… »

Pour en revenir à Patrick Melrose, l’interrogation principale du personnage (« survivre ? ») trouve un nouveau sens lorsque celui-ci devient père. Il va devoir réussir là où son paternel a échoué : devenir bon, offrir une enfance agréable à ses progénitures. Ne pas les torturer. Ne pas leur transmettre ses angoisses. Genre, le défi impossible et pourtant qu’on n’a pas d’autre choix que de relever, une fois les deux gones dans ses bras.

Autre angle d’attaque intéressant : que faire lorsque la mère à la fois tant désirée et haïe devient à son tour vulnérable ? Profiter de sa faiblesse ? Lui faire du mal ? Et si lui faire du mal signifiait poursuivre l’action du salopard de père décédé ? Parce que dans l’intrigue Melrose, la première de toutes les victimes de David Melrose, père de Patrick, a été son épouse. 

Patrick Melrose ne veut pas devenir un monstre.

Il cherche juste à être en vie. Bien dans sa peau, en option.

Vous savez désormais d’article en article que j’aime bien proposer des titres connexes avec le thème du jour.

Si j’ai un livre en tête qui me vient tout de suite, sur un trauma qui se perpétue sur deux enfants et affecte toute leur vie… C’est Les Bébés de la consigne automatique de Murakami Ryû.

Bouquin violent et trash à déconseiller aux âmes sensibles, mais quelque part, c’est aussi le cas de Melrose.

N’importe quel amateur d’œuvres fortes y trouvera son compte, avec l’un comme avec l’autre.  

Sources : Allociné, Wikipédia… et aussi : Interview le monde Interview Canal Plus Article sur Libération Article Télécabsat et quelques articles en anglais dont j’ai perdu la trace

3 commentaires sur « Livre et Série TV : Patrick Melrose »

  1. Bon, j’avoue que je n’ai pas tout lu : les premières lignes de ton article m’ont carrément donné envie de lire ces bouquins ! Du coup, je ne voulais pas trop me spoiler.
    En tous cas, j’aime bien les dictons de ta grand-mère ! 😉

    Aimé par 1 personne

    1. Je savais que tu relèverais. :p Grand-Ma a du sang d’irlandaise, elle case des moutons toutes les trois phrases.

      En tout cas, je te souhaite une excellente lecture. J’ai reposé le dernier volume des Melrose avec regret et dès que j’aurais un peu de temps entre deux, j’irais bouquiner Sans Voix, du même auteur. (et qui est susceptible de te plaire aussi… c’est une critique du milieu des concours littéraires…)

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