Reims Polar 2024 #04 – Only the River Flows de Wei Shujun

Ce film était l’année dernière présenté au festival de Cannes en catégorie Un Certain Regard, mais n’avait rien remporté. Le Reims Polar 2024 lui offre une nouvelle chance en compétition officielle.

Bon, je spoile tout de suite (et d’ailleurs, cet article est susceptible de vous divulgâcher des éléments de l’intrigue), il n’est pas mal, mais je ne l’ai pas vraiment aimé. Pour une simple raison : il est incompréhensible.

Néanmoins, comme le palmarès du Reims Polar peut parfois réserver des surprises, Only the River Flows a obtenu le prestigieux prix du jury, conjointement avec Borgo. Pourquoi ? Je dirais que le choix d’avoir filmé ce film entièrement en pellicule 16mm à l’ancienne plutôt qu’en format numérique, n’y est pas pour rien.

Le film fait aussi la part belle au cinéma, dans un univers un peu méta où le poste de police s’installe dans une salle désaffectée. Le policier devient tantôt acteur, tantôt spectateur, tantôt tireur de ficelles dans la cabine de projection. Le jeu est assez amusant pour nous, les vrais spectateurs.

Pour autant, je continue à croire que le scénario pose problème.

C’est l’heure du WTF 2024. :o)

Only the River Flows de Wei Shujun

De quoi ça parle ?

Alors, jusqu’au deux tiers du film environ, l’histoire est fluide.

Dans un village au bord d’une rivière, un tueur en série assassine les gens d’une manière hasardeuse. La police locale, fière de ses statistiques, cherche à arrêter le coupable en un temps record.

Problème : c’est plus facile à dire qu’à faire. L’inspecteur Ma Zhé est confronté à plusieurs suspects et ne sait lequel choisir, quand bien même pour sa hiérarchie, tout est clair. Plus les choses paraissent évidentes : un homme arrêté couvert de sang l’arme du crime en main, ou bien un autre qui avoue les meurtres, plus elles sont en réalité confuses.

Pourquoi voir ce film ?

L’ambiance impeccable.

On l’aura compris après le pluvieux Limbo de 2023, et le trop chaud Are you lonesome tonight ? de 2022. En Chine, polar rime avec belle photographie.

Cette fois, on tire le cliché d’un village en campagne près de la rivière.

Les oies galopent dans les ruelles, tandis que les SDF sont recueillis par les habitants. Un fou joue avec des cailloux au bord de l’eau, tandis qu’un enfant se prend pour un futur policier. A côté, les ouvriers et ouvrières de l’usine nouent des relations sentimentales dans les roseaux, qui pourraient vite tourner à la tragédie.

Il y a trop de coupables possibles, et comme le dit le second de l’inspecteur : c’est fabuleux ici, dès qu’une piste se referme, une autre s’ouvre.

Seulement, il faut choisir, trancher (le tueur n’est pas le seul à tailler dans le vif), ce que l’inspecteur a bien du mal à faire, en quête de la vérité et voulant ne commettre aucune erreur judiciaire.

Le récit qui avance cahin-caha, à la vitesse de marche d’un Columbo, joue avec ces allers-retours et les doutes tant de l’inspecteur, bien seul dans sa mission. Son second est un rigolo qui tente de faire des grands écarts pour impressionner. Sa hiérarchie joue au ping-pong. Il ne reste plus que lui pour prendre au sérieux cette série de meurtres.

Là où ça se complique, c’est quand l’inspecteur Ma Zhé commence à cauchemarder, puis clairement délirer, pour finir par tirer sur des coupables imaginaires.

On ne sait plus vraiment qui vit et qui meurt, ce qui est passé ou ce qui est futur, le vrai du faux, et le film s’arrête brutalement sur le regard d’un enfant dans lequel on recherche un signe, une clef, une explication.

Et vlan, générique.

Une fin absurde, à l’image du reste du film dont le manque de cohérence est annoncé dès la première seconde en ouverture par la citation d’Albert Camus dans Caligula : « On ne comprend pas le destin et c’est pourquoi je me suis fait destin. J’ai pris le visage bête et incompréhensible des dieux. »

On pourrait poursuivre par Caligula toujours : « la vérité de ce monde est de ne point en avoir. »

En 2024, Caligula aurait peut-être dit de manière plus classique : « en fait, c’était un rêve » et nous aurait planté là, avec un fuck magistral.

Si quelqu’un a une explication sur le scénario, je prends volontiers.

En attendant, si vous voulez lire une interview intéressante de Wei Shujun, je vous mets un lien vers Cinématraque.

A bientôt pour le prochain film !

Retrouvez les précédentes chroniques du Reims Polar 2024 :

#01 LaRoy de Shane Atkinson

#02 Hesitation Wound de Selman Nacar

#03 The Last Stop in Yuma County de Francis Galluppi

5 commentaires sur « Reims Polar 2024 #04 – Only the River Flows de Wei Shujun »

  1. Mon coup cœur du festival, avec Borgo (je n’ai pas pu voir Steppenwolf hélas, que lo’ dit fracassant). J’ai aimé cette enquête à la lueur des lampes torches qui perd pied, qui se pare d’une poésie étrange, qui crée des ombres folles et des reflets trompeurs. J’ai aimé ce personnage de flic, cette scène de crime improvisée dans un ancien ciné, ce regard plongeant sur la Chine d’hier qui a laissé des traces dans celle d’aujourd’hui.

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  2. Et la fin alors ? Tu saurais l’expliquer ?

    Perso, j’en étais à me dire que la naissance du petit était peut-être un flashback (de l’époque floue où il avait le mérite 3ème grade dans le Yunnan), et que le petit de la fin était le fou du récit. (Mais ça ne serait pas cohérent avec les propos de sa copine qui disait qu’ils ne se connaissaient à cette époque.)

    Je n’ai pas compris comment il pouvait confondre aussi les événements du passé. On voit bien qu’il obtient le 3ème grade avec son chef ping-pong, alors qu’il est supposé l’avoir déjà obtenu auparavant. Mais l’explication n’est pas claire, est-ce une erreur de sa part ou une erreur de sa hiérarchie.

    Et au final, le fou est vivant ou il est mort ? ^^

    (Steppenwolf, j’ai bien tout compris, par contre, mais woh… c’était un peu trop pour moi, niveau violence. Fracassant, au premier degré. Borgo, j’espère le rattraper à sa sortie. Il me manque Blaggas’lesson, Sons et Shock, aussi.)

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  3. Bon, typiquement le genre de film que je fuis : même si l’ambiance a l’air vraiment chouette et poétique, un scénario incompréhensible et sans fin véritable est un red flag total pour moi 😉

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