Reims Polar 2024 #03 – The Last Stop in Yuma County de Francis Galluppi

Après un bel hommage à M’sieur Andrew Davis, c’est l’heure du premier film de la compétition officielle.

Pour rappel, il existe deux grandes compétitions au Reims Polar : la compétition officielle qui récompense les meilleurs films noirs de l’année et « Sang Neuf » (« New Blood »), qui vient récompenser des étoiles montantes du polar et une nouvelle réappropriation du genre. On trouve également le prix du public, le prix de la critique (remis par les journalistes cinés), le prix des étudiants (remis par un jury d’étudiants), le prix de la police (remis par… vous avez compris le concept.)

Vous allez vite le comprendre, je n’ai pas vu tous les concurrents, mais ce film est mon chouchou de l’année.

The Last Stop in Yuma County est le premier long-métrage d’un tout jeune réalisateur américain, qui a travaillé quatre années son sujet, en y croyant dur comme fer ainsi que son entourage, puisque son producteur exécutif a fini par vendre sa maison pour assurer le financement.

Il a déjà eu le droit à quelques premières américaines en 2023 dans le cadre de festivals, outre une projection au PIFF de Paris, pour sa première française.

Pour l’instant, les stats Rotten Tomatoes mentionnent un 100% au tomatomètre (sur 13 notes). Il va sans dire que c’est un très, très bon score.

Ce qui est rigolo – à mon sens – c’est qu’il fonctionne sur les mêmes procédés que LaRoy présenté hors compétition : comique, western, thriller, mais tout y est réussi en mieux.

The Last Stop in Yuma County de Francis Galluppi

De quoi ça parle ?

Arizona, désert aride, et au milieu coule du gasoil dans les vieux réservoirs d’une station-service.

Sauf qu’un jour pas comme un autre, le camion-citerne n’arrive pas et tous les péquenauds de passage vont se retrouver à sec, coincés dans le diner juste à côté.

Cet incident provoque les bonnes et les mauvaises rencontres.

Dans une même pièce un marchand de couteaux, la femme du shérif, un couple de p’tits vieux, Bonnie and Clyde, un indien du coin, le mec de la station, un probable stagiaire de troisième, et deux braqueurs en fuite, avec un gros sac de billets dans leur coffre.

Au diner de Yuma County, on y sert de très bonnes tartes.

Pourquoi voir ce film ?

L’histoire commence comme une mauvaise blague à la Östlund et se termine dans un bain de sang à la Tarantino, façon les Huit Salopards, option Battle Royale. Le tout en huis clos dans un resto américain tout ce qu’il y a de plus cliché avec grizzli empaillé et juke-box. Ambiance authentique garantie.

Je disais plus haut que ce film pouvait facilement se comparer avec LaRoy par ses différences :

Ici, le hasard provoque les rencontres, mais la crédibilité du récit est préservée. Il n’y a aucun deus ex machina, chaque rebondissement découle naturellement des réactions des différents personnages. J’ai ressenti beaucoup de fluidité et de précautions prises dans la dramaturgie.

Ici, pas de duo comique, pas de vannes forcées pour qu’on rigole. Certes, on peut se moquer gentiment des personnages qui ont parfois un faciès détonnant, ou encore un joli t-shirt « le yéti président ». Ils sont maladroits, ok, ils s’essuient les aisselles avec les serviettes du restaurant, ou s’endorment en pleine prise d’otage. Mais ils se prennent toujours très au sérieux et ne tombent jamais dans le ridicule ou l’autodérision.

Ici, points de dialogues interminables ou d’explications de background. On ne s’intéresse pas aux motivations des personnages, dont on ne sait presque rien. Tout ne se concentre que sur l’action présente. On en revient à ce que disait il y a quelques années Walter Hill dans sa masterclass : parfois, les personnages se définissent uniquement par leurs actions, nul besoin d’en dire plus.

Ce propos colle particulièrement bien au genre western, cher à Walter Hill, et dont Francis Galluppi en sera peut-être, s’il demeure dans ce registre, la nouvelle génération.

Au-delà de ça, le casting est bon, jouant beaucoup sur le physique des acteurs plus que sur leur charisme ou leur interprétation. Le rythme détonne avec des variations réussies, et quelques explosions finales qui ont tout d’un feu d’artifice. La fin, d’un cynisme à toute épreuve, est une apothéose.

Que demander de plus ?

J’ai hâte de voir ce que donnera ce réalisateur dans cinq ou dix ans.

Update : The Last Stop in Yuma County a remporté le prix du public du Reims Polar 2024.

A bientôt pour le prochain film !

Retrouvez les précédentes chroniques du Reims Polar 2024 :

#01 LaRoy de Shane Atkinson

#02 Hesitation Wound de Selman Nacar

7 commentaires sur « Reims Polar 2024 #03 – The Last Stop in Yuma County de Francis Galluppi »

  1. Très chouette chronique.
    Je suis un poil moins emballé, le trouvant au contraire de toi plus anecdotique que LaRoy. Le film vaut pour son habilité à enchaîner les situations, à rebondir avec malice, mais finit tout de même par tourner dans à vide, à l’image des cuves de la station-service.
    Par contre, tout le monde joue sa partition à merveille. Je n’ai pas compris qui était le « stagiaire de troisième » dans ton descriptif. L’adjoint ? Mais il n’est pas dans le cercle rouge. Par contre tu oublies de mentionner la charmante Charlotte et son inénarrable époux au badge étoilé.

    Aimé par 1 personne

    1. Charlotte est évoquée, c’est la femme du shérif. Oui, le stagiaire de troisième, je considère que c’est l’adjoint affecté au service café. ^^ Il rentre et sort du cercle rouge tout de même avec une certaine majesté lorsqu’il se prend les pattes dans un des braqueurs et lui renverse le café dessus.

      Aimé par 1 personne

  2. Ok, ok, bon, vu comme ça, j’ai quand même l’impression que beaucoup de clichés sont fortuitement réunis au même endroit quand même (deux braqueurs + Bonnie and Clyde notamment). Etonnant que ça ne nuise pas à la crédibilité ! ^^

    Aimé par 1 personne

    1. Je ne suis peut-être pas dans l’objectivité totale envers ce film. ^^

      Côté crédibilité, je trouve qu’ils exploitent vraiment les personnalités des personnages d’une manière cohérente, rien qui ne se fasse dire « tiens, ce sont des personnages de fiction », malgré leurs stéréotypes, ils sont réalistes. Comme pour la panne d’essence, qui elle aussi est expliquée avec une certaine logique. Il n’y a pas de blagues conçues pour faire rire, contrairement à LaRoy où on sent parfois presque des temps morts destinés aux rires du public. Là, c’est davantage du comique de situation.

      J’ai été dans la frustration au vu du palmarès, j’espérais vraiment qu’il obtienne plus que le prix du public.

      Aimé par 1 personne

Laisser un commentaire

Concevoir un site comme celui-ci avec WordPress.com
Commencer