Festival de Cannes 2024 #01 – Le Deuxième Acte de Quentin Dupieux

Et cérémonie d’ouverture au passage, parce qu’elle nous réserve toujours son lot de surprises, plus ou moins réussies.

Cette année, c’est Camille Cottin qui s’est donnée du mal, sur un broadway jazz, pour dire du bien des femmes et des nuits presque blanches du festival. Le jury et la présidente, Greta Gerwig, ont ensuite été accueillis en grande pompe, avec une belle rétrospective de ses films. Puis la même chose à Meryl Streep, qui a reçu la palme d’honneur et qui est restée parfaitement maîtresse d’elle-même face à un hommage émouvant qui a dû faire pleurer toute la salle. C’est là où on se dit que cela doit être difficile d’écouter des gens dire du bien de soi. Et qu’il ne faudrait sans doute pas jouer au poker contre Meryl, elle doit être redoutable.

Je vous raconte tout cela comme si j’y étais. En réalité, j’ai tout vu de ma télévision, hein, comme – j’imagine – tous les badgés cinéphiles de la Croisette. La billetterie a encore de quoi donner des cheveux blancs cette année, mais enjoy Cannes, et voir les séances en différées, c’est déjà très bien.

Et puis, ne pas être dans le sacro-saint palais, cela permet de profiter pleinement des réseaux sociaux et des incroyables rumeurs qui y circulent, ce serait dommage de s’en priver, tant le film, c’est eux qui le tournent en direct, ces derniers jours.

Mais quelle est cette fameuse liste des dix, à propos de laquelle la foule et les médias se déchirent ? * musique angoissante *

Quelle sera la prochaine star blacklistée par l’opinion publique ?

Quid de cette mystérieuse grève du personnel du festival, que va-t-il se passer ?

Mégaloooopoooolis… Succès ou fiasco ? * voix d’outre-tombe, regard de Nosferatu*

De quoi bien s’amuser.

Je suis en train de lire le bouquin de Thierry Frémaux, histoire d’entrer progressivement dans l’ambiance. Déjà en 2015-2016, il racontait s’énerver des bruits sur les réseaux sociaux, s’agacer parfois des critiques assassines reçues pour une sélection qu’il bichonne chaque année avec la même passion. Il y a quelques jours à peine, il rédigeait une lettre ouverte assez agacée pour répondre aux questions d’un journaliste de Médiapart, qui s’intéresserait à lui, à des fins certainement peu sympathiques. Je me demande comment il vit cette 77ème édition, déjà un peu malmenée. (bien certainement, ou alors c’est tout ce que je lui souhaite. ^^)

Bref, bienvenue au festival de Cannes, berceau des dramas qui ne durent que deux semaines. Et place au film d’ouverture, le Deuxième Acte de Quentin Dupieux.

(Non, je n’ai pas vu le Premier Acte.

Pour peu que celui-ci existe. Ahaha.)

Le Deuxième Acte de Quentin Dupieux

De quoi ça parle ?

De conversations philosophiques, dignes de celles que l’on tient entre collègues à la machine à café.

Vous savez, l’endroit où l’on se coltine les « c’est pas que je suis homophobe, mais… », les « nan, mais t’en penses quoi du physique de celle-là ? » et autres joyeusetés grasses qui vous donnent envie de renverser votre gobelet sur certains.

Le film commence sur un palmarès de « ohlala, on ne peut plus rien dire de nos jours », pour ensuite enchainer sur quelque chose de plus intéressant et plus malin. C’est à dire, une réflexion globale sur ce qu’est le cinéma.

La cancel culture, l’ambition, la nécessité de se cacher, la volonté de se faire du réseau, les déceptions, les addictions, la drague, les agents artistiques, les cinéphiles vrai de vrai, l’inutilité de l’art ou de ses acteurs. (« ben non maman, toi t’es actrice, tu ne peux pas faire un vrai métier, tu ne sais que faire semblant ».)

Un récit qui fait quelques taches, dans une maladresse qui n’est que feinte, puisqu’en réalité, il existe un plan secret. Tout ce scénario abracadabrantesque n’est pas humain, mais élaboré par une IA.

(On reprendra les propos de Camille Cottin sur son jazz broadway : que penser de ce monde où l’intelligence collective est en train de devenir virtuelle ?)

Pourquoi voir ce film ?

Parce qu’il est sarcastique et rongé d’angoisses sur l’avenir du cinéma, et en soi, il est toujours intéressant d’entendre parler de cinéma par les personnes qui travaillent dedans. (d’ailleurs, si Twitter s’est immédiatement enflammé sur ce film, Meryl Streep a dit l’avoir parfaitement adoré.)

Parce qu’il y a de l’humour aussi, du sans-gêne, et tout ce qui est fait pour choquer et faire réagir, est d’utilité publique.

Parce que ce film sera un jour le témoin d’une époque, et l’avenir nous permettra sans doute de le juger différemment, à revoir donc une seconde fois dans dix ans.

Parce que le quatuor d’acteur dont on suit les conversations badines nous embarque dans une sorte de mise en abime. Un film, dans le film, dans le film. Au final, il n’y a pas de plus grande fiction que lorsque tout n’est que mensonge.

Mais le film a aussi le défaut de ses qualités : une certaine vulgarité (quand même, c’est pas d’une super subtilité), et bon… faire un film de qualité moyenne au motif que oui, mais en fait, c’est un film dans le film, etc… ça nous fait toujours en bout de course un film de qualité moyenne.

(Comme dans Coupez ! C’est pas cher, c’est vite tourné, et moyennement réussi.)

N’empêche que, pour un film d’ouverture, le choix était bon. On aime les univers méta à Cannes et ces films qui ne peuvent laisser indifférent.

A bientôt pour le prochain film de la compétition !

7 commentaires sur « Festival de Cannes 2024 #01 – Le Deuxième Acte de Quentin Dupieux »

  1. Intéressante entrée en matière. Dupieux pour mettre le couvert, c’est pas si mal. « C’est pas et cher et vite tourné », c’est un peu sa marque de fabrique, mais n’y a t il pas finalement plus d’idées de cinéma que dans un pensum boursouflé de trois heures trop longuement ruminé ? No offense Francis.

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    1. Bonne question ! Honnêtement, je ne suis pas certain que les réflexions de Dupieux soient au top de leur aboutissement au point de mériter un film à chaque fois. ^^
      Après, entre méditer un film pendant quelques mois et méditer un film pendant des décennies, il y a peut-être un juste milieu à trouver. ^^
      (Je n’ai pas vu Mégalopolis, j’ai quand même hâte de m’essayer au pensum boursouflé. :D)

      Aimé par 1 personne

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