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Film : Monsters de Gareth Edwards

D’après un scénario de Gareth Edwards himself

Les crevettes intergalactiques : voyage en zone contaminée

« Le 13 juillet, une sonde de la NASA s’est écrasée au Mexique. Elle devait trouver des traces de vie dans l’espace. Sa mission est terminée. »

Monsters de Gareth Edwards

On va finir par prétendre que je fais un trip sur les fruits de mer, entre les nautiles de l’espace et mes crevettes intergalactiques. Mais je n’y peux rien moi, si les extraterrestres non humanoïdes s’inspirent souvent de nos bestioles aquatiques ! N’oublions pas qu’à l’origine, nous provenons aussi de l’eau.

Enfin bref, tout ça pour dire : le film du jour appartient au domaine de la science-fiction.

Monsters de Gareth Edwards — contrairement à ce que son patronyme indique — n’est pas un film de monstres. C’est un film à propos des monstres.  

La différence ? Vous ne serez pas épouvanté, vous ne serez pas horrifié, pas de jump scare, pas de costumes foireux dignes des Star Trek d’origine, pas de courses poursuites ahurissantes entre de pauvres innocents et des créatures crachant flammes et bactéries.

(Oui, de nos jours, Godzilla passe en second rang après le pangolin.)

Monsters, c’est un film d’ambiance. Un film un peu bizarre aussi, un slow-thriller. Et surtout, c’est un film d’émerveillement.

Le pitch, plus ou moins :

Un brave journaliste qui veut gagner sa croûte (et qui a tout le temps l’air d’être paumé) se rend en zone de guerre à la frontière mexicaine, là où l’armée américaine mitraille des extraterrestres. Son excuse : prendre des nouvelles de la fille du grand patron qui se remet de l’explosion de son hôtel.

Seulement, si Monsieur visait le scoop, il va se retrouver transformé malgré lui en baby-sitter pour princesse mal dans sa peau.

Nous avons donc deux stéréotypes de personnage :

  • Le travailleur ambitieux désirant obtenir par tout moyen la photo du siècle et qui tient à son appareil comme à son troisième rein,
  • La fille de, envolée au Mexique pour des raisons certainement très spirituelles, qui n’a rien de mieux à faire que de songer au sens profond de l’existence et à l’anneau serti de diamant offert par son fiancé. Fiancé qu’elle n’aime pas, il va sans dire…

Notre brave journaliste décide alors de ramener la gosse à « papatron » en deux temps, trois mouvements, et ensuite repartir sur le front. Sauf que, pas de bol, l’armée boucle la région. Le train dans lequel ils ont embarqué est contraint de faire demi-tour, les voitures ne circulent plus, ils sont archi coincés l’un avec l’autre.

Et l’extraterrestre, il est où, dans tout ça ? Eh bien, l’extraterrestre finit son paquet de popcorn en se demandant s’ils vont coucher ensemble ou pas.  

Par un rebondissement savoureux dont je vous épargne les détails, notre couple de fortune va être forcé, au bout du compte, d’avancer à pied dans la zone contaminée par les créatures, dans la jungle, de nuit, avec des méchants champignons phosphorescents partout.

Et je ne vous raconte pas la suite, histoire de sauvegarder un semblant de mystère sur cette romance à la sauce alien à tentacules.

« Évacuez la zone, état d’urgence décrété. »

Monsters de Gareth Edwards

Je vous l’ai dit, c’est un film d’ambiance bien plus qu’un film d’action. Il faut le prendre tel qu’il est et ne pas lui prêter des ambitions trop grandes. Dans son domaine, Monsters de Gareth Edwards est quand même bien réussi.

Pour en rappeler le contexte : c’est un film indépendant de la grosse manne d’Hollywood. Le budget total tournait autour de 200 000 $. L’équipe de tournage/production était composée de 5 personnes, outre nos seulement deux acteurs professionnels : Whitney Able et Scoot McNairy.

Les figurants étaient tous des gens croisés aléatoirement au détour des routes (parfois même cinq minutes avant d’allumer la caméra). Il n’y avait pas de scénario, ou plutôt il a été tellement remodelé qu’au final, tout s’est quasiment joué à l’impro. Sur place, les conditions de travail étaient bel et bien précaires et dangereuses. Certains plans ont été tournés sans autorisation, pour aller plus vite et réduire le budget.

C’était plus… un faux film amateur qu’un véritable blockbuster destiné à faire le tour du monde. Et pourtant il l’a fait. Les grosses productions ont regardé autrement notre réalisateur après Monsters. Une suite a été produite quelques années plus tard, Monsters : Dark continent. Et en 2018, la chaîne britannique Channel 4 a commandé une adaptation de cet univers en série. Nous n’avons pas fini d’en entendre parler.

Aussi : il s’agit du premier long métrage de Gareth Edwards, qui est à l’origine producteur d’effets spéciaux. Voulant se reconvertir professionnellement, il a pour ce film multiplié les casquettes, assurant tant la réalisation que l’écriture du scénario, les décors et la photographie.

Autrement dit, ce type est brillant. Il aime les films de monstres, de SF, et il va falloir que je garde un œil sur lui. D’ailleurs, vous savez ce qu’il a fait depuis ? Godzilla, version 2014 et Rogue one, a star wars story. (Pardonnez-lui. Mais si ces deux films ont des défauts, ils ont aussi de belles qualités.)

Nos deux acteurs, Whitney Able et Scoot McNairy, sont également deux découvertes.

Scoot McNairy, notre preux journaliste, est un habitué des seconds rôles. Il a participé à un certain nombre de grands films depuis (notamment Argo, Gone Girl, Non-stop, 12 years of slave, Batman versus Superman, Once upon a time in Hollywood…), mais n’a pas pour autant eu de personnage majeur à incarner. Monsters, qui date du début de sa carrière, est donc un objet de choix pour voir un peu son potentiel, et quand même… il en a.

Whitney Able, sa compagne, a été recrutée justement parce qu’elle était sa compagne. (« Oh hombre ! Ta femme est actrice ? Super, on l’embarque, elle jouera ta copine dans le film. » En gros.)

Sa carrière est moins rythmée, elle se cantonne à quelques apparitions de temps en temps, dans des séries TV. (Outre Balade entre les tombes, où elle a un tout petit rôle)

Honnêtement, si son jeu d’acteur est correct, j’ai trouvé son visage extrêmement statique et peu expressif. En plus, dans la mesure où il y avait sans arrêt des gros plans dessus… Je n’ai pas du tout accroché à son travail.

Toujours en est-il que le duo fonctionne, et qu’en matière d’impro, ils sont convaincants. Les dialogues parviennent à nous toucher.

Le film dispose d’une très belle photographie (les enfants qui s’amusent avec les masques à gaz… les barbelés reconvertis pour étendre le linge… la composition des images est un régal !) et arrive à nous emporter avec lui dans les différents paysages du Costa Rica, du Guatemala et du Belize. Beaucoup de séquences sont tournées de nuit ou sur l’eau, le résultat est très immersif. La fête mexicaine nocturne est aussi un moment où l’on se sent avalé par l’histoire, grâce à une bande-son et des jeux de lumière assez magiques.

« Oui, ça m’arrive assez souvent le weekend d’aller me balader sur le toit d’une église vieille de quatre cents ans, mais avec toi, c’était spécial. »

Monsters de Gareth Edwards (approximativement)

Mais je vous entends à nouveau pousser des « où qu’il est l’extraterrestre ? »

Il arrive. Doucement, mais sûrement.

Déjà, il faut prendre le temps de mentionner l’intention scénaristique qui se cache tout de même derrière les images. Monsters dissimule une critique sociétale certes assez maladroite, mais qui a le mérite d’être présente.

Évidemment, notre héroïne va poser la question qui tue « pourquoi tu photographies des enfants morts et pas des enfants heureux ? »

Notre héros va lui répondre que c’est la loi du marché, dont son père est le symbole et dont le futur mariage de mademoiselle est la conséquence. Notre héroïne va donc commencer à penser amour, là où jusqu’à présent, elle songeait conventions et milieu social.

La loi du marché, c’est aussi ce qui va contraindre nos deux héros à traverser la zone contaminée à pied avec les autres émigrants clandestins, le tout pour repasser la frontière et regagner le rêve américain.

La population mexicaine, elle, va mettre en cause l’ingérence des Américains dans la gestion de la crise extraterrestre et notamment les bombardements incessants, faisant plus de victimes chez les civils que chez les aliens. Présenté comme un pays fragile et miséreux, le Mexique vous accueille avec ses familles sincères et généreuses, qui vous ouvrent volontiers leur porte lorsque vous vous pointez en mode « nu et culotté ».

La morale du film nous dit donc : 1 – 0 pour les Mexicains. Eux, ils n’ont peut-être qu’un petit mur en barbelés pour se protéger des aliens, mais au moins, ce sont des gens sympas.

Histoire d’en remettre une couche si on n’a pas compris le message, les Mexicains nous apprennent que les extraterrestres n’attaquent que les Américains belliqueux avec leurs avions et leurs jeeps. Mais qu’eux savent vivre en harmonie avec l’envahisseur, et qu’en fait tout va bien pour qui accepte la symbiose. Bouh, le système américain ! Trois fois bouh !

Car en réalité, notre extraterrestre n’est pas d’un naturel agressif. Il n’est qu’amour et volupté.

Si vous voulez un film du même genre, deux pistes : le monde merveilleux d’Avatar et les brachiosaures de Jurassic Park

Un petit troisième plus récent : Premier contact.

Un bémol sur ce film, il souffre du syndrome de la fin prématurée, pour reprendre les mots de John Truby. C’est-à-dire qu’il s’arrête trop tôt, au moment de l’ultime prise de conscience et avant la transformation des héros et le rétablissement d’un nouvel équilibre.

En d’autres termes, quand le générique de fin apparaît, vous allez pousser un « raaah ! quoi ? » sanguinolent.

Second bémol : il est vrai que du fait d’un scénario riquiqui, le film manque parfois de profondeur. Ce qui le rend très réaliste : nos héros dialoguent exactement comme nous parlerions nous, si nous partions faire un trek en voyage organisé. Vous voyez la super convers’ de « et toi tu fais quoi dans la vie ? Oh, et donc, tu as quelqu’un ? Et qu’est-ce que tu aimes faire, à part survivre ? Et tu sais combien de temps les dauphins peuvent respirer sous l’eau ? »… Ne cherchez pas plus loin.

De ce point de vue, je reconnais que le film aurait pu faire mieux. Mais bon, franchement, pour un premier film pondu au tout début d’une carrière cinématographique, c’est du bon boulot.

Allez, le monstre maintenant.

Les crevettes intergalactiques (il faut bien réussir à les nommer) sont des créatures gigantesques dont on ne distingue principalement que la moustache et les pattes. Elles peuvent mesurer selon leur état de croissance plus de 150 mètres. Elles aiment la nuit, la forêt et l’eau. Elles sont librement inspirées des poissons et crustacés peuplant nos océans. Elles tiennent aussi de la pieuvre par leurs monumentaux tentacules et des baleines par leur chant.

Tout au long, vous allez percevoir des « hoon huuu houuuu fffiou houuu » qui vous rappelleront peu ou prou les vieilles cassettes de relaxation de type méditation avec un marsouin.

Si vous vous souvenez de la séquence « oh un brachiosaurus qu’est-ce que c’est beau ! » du premier film Jurrasic Park, vous penserez directement à mes crevettes intergalactiques. Il y a un vague air de famille, surtout dans la manière de lever les yeux vers le ciel dès que vous les entendez chanter.

Évidemment aussi, le tripode de la Guerre des Mondes de Wells n’est jamais très loin. Cthulhu de Lovecraft non plus.

Côté reproduction, elles pondent leurs œufs dans la forêt vierge, puis ceux-ci éclosent pour rejoindre les océans en remontant la rivière, presque comme des tout mignons bébés tortues.

Chose importante, nos crevettes intergalactiques sont très sensibles à la lumière, qui leur sert notamment à émettre des manifestations émotionnelles.

(Dans la nuit, à côté des pyramides aztèques/mayas/incas, le chant d’amour d’une crevette intergalactique… c’est beau.)

Les monstres de Monsters sont essentiellement pacifiques à moins d’être agressés. Ils servent d’exemple de ce qui pourrait très bien nous arriver un jour : l’obligation de s’adapter pour laisser de la place à chaque espèce partageant notre planète.

Est-ce une fable écologique ? Oui, aussi.

C’est une invitation à la prudence aussi, puisque c’est l’homme qui est allé chercher les aliens dans l’espace et qui les a ramenés sur terre, avant de vouloir les détruire. Parfois, la recherche scientifique peut avoir des conséquences regrettables.

Évidemment, au-delà du film de science-fiction, vous pouvez y voir également un road movie où le mystère nous effraie bien plus que la présence d’un bout de tentacule dans le champ de la caméra. Ce qui fait peur : le noir, la jungle. Les bulles dans l’eau, les ombres mouvantes, le bruit en off, les humains aussi, ceux qui chantent à tue-tête en agitant des flingues. Ceux qui marchandent votre vie derrière votre dos, sûrs que vous ne comprenez pas la langue.

Dans un registre très différent, vous pouvez retrouver un certain nombre de films d’aventure (et de monstres) consacrés au spectre de l’inconnu. L’usage de plans rapprochés et cadrés serrés rappelle à très moindre mesure les choix de réalisation du tout récent 1917.

Monsters, un film à voir ou un film où l’on ne voit pas grand-chose ? Les deux mon capitaine.

Certains le comparent également à Lost in translation de Coppola.

Vous y trouverez votre compte si vous aimez les univers transgenres où la science-fiction est un moyen sans être une finalité. Parce qu’à trop vouloir causer extraterrestres, finalement, nous entrons en phase d’introspection, regardant au fond de nous-mêmes. Ne sommes-nous pas plus effrayants que les monstres ?

Sources : Allociné, Wikipédia, Copyright SND pour les photos

2 commentaires sur « Film : Monsters de Gareth Edwards »

  1. Jamais entendu parler de ce film.
    En tous cas, avec cet article, tu réussis le tour de force de me donner envie de regarder un film qui n’atteint même pas 3 étoiles sur Allociné; c’est dire ! ^^ Tes analyses sont toujours un régal :o)

    Aimé par 1 personne

    1. La faible note sur Allociné vient du fait que beaucoup pensaient qu’il s’agissait d’un film d’action et d’épouvante. (d’ailleurs quand tu vois leurs commentaires, j’ai rarement vu un film avec autant de « zéro étoile ».)

      Mais c’est beau, esthétique et romantique. Ça devrait te plaire. 🙂 Dans le même genre aussi, Premier contact.

      J’aime

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