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Film : Sans un bruit de John Krasinski

D’après un scénario de Scott Beck, John Krasinski et Bryan Woods

Les nautiles de l’espace : aveugles, pas sourds !

Au programme du jour, un film d’une rare force : Sans un bruit de John Krasinski.

Que se passerait-il si nous devions affronter un cataclysme ? Si les rues étaient désertes, s’il ne restait plus que nous et quelques autres ? Vous allez me dire, c’est presque notre actualité du moment hein. On ne peut pas dire que voir ce film va nous changer les idées. Par contre, il remémore avec brio et poésie une notion essentielle : nous devons protéger nos proches.

Film d’horreur peut-être, film d’amour surtout !

Sans un bruit pourrait se résumer ainsi en une ligne :

Une famille tente de survivre à des extraterrestres après l’invasion de notre planète.

Toute comparaison avec la crise du Covid19 serait évidemment extrapolée. Cependant, un film de survie reste un film de survie, peu importe qu’il s’agisse de zombies, d’extraterrestres ou d’un vieux méchant virus mi-chauve-souris, mi-pangolin et re-mi-chauve-souris par-derrière. Même principe : s’ils vous attrapent, vous êtes mal/mort.  

Habituellement, Hollywood nous sert de la soupe d’extraterrestres exterminés à grand renfort d’aviation (Independance Day) de navires de guerre (Battleship) ou de troupes de combat parcourant les rues à moitié détruites d’une Amérique qui ne se laisse pas vaincre. (Edge of tomorrow, World invasion : battle of L.A.) Les scientifiques sont également mobilisés de part et d’autre (Godzilla), aussi parfois les organisations secrètes… (Les Avengers de chez Marvel) Tous ceux qui ont un cerveau ou un bon bazooka rejoignent la partie.

Les invasions extraterrestres signifient lutter et repousser l’ennemi, d’abord invincible, puis soudain vulnérable. (Thanos, coucou !) Après deux heures de film ponctuées d’explosions, de pétarades et de cris d’alien stridents, l’armée américaine parvient toujours à triompher. God bless America, etc… etc…

Dans quelques films et livres exceptionnels, nous partageons le point de vue des « survivants », ceux qui résistent. (La Guerre des Mondes de Wells, La Cinquième Vague au rayon Youth Adult)

Tous prônent le dépassement de soi, partant d’un concept simple : chaque étudiant en latin-grec option paléontologie, chaque employé de bureau jouant avec des bracelets en trombones, chaque mère de famille épuisée par ses progénitures, est capable de se transformer en dragon si nécessaire.

L’art nous le répète : nous sommes tous des soldats en puissance. Ces films de survie, nous aimons les voir à vrai dire pour nous rassurer. Nous avons besoin d’y croire : nous pouvons gérer le pire, en théorie.    

Mais dans Sans un bruit, point de message caché.

Tout est déjà trop tard. L’invasion est consommée, l’humanité a perdu, drapeau en berne, chaque personne est isolée. Il n’y a plus d’État, juste des gens simples comme vous et moi.

Alors quoi ? Quel avenir ? « Le vent se lève ! … Il faut tenter de vivre ! », nous disait Paul Valéry dans ses célèbres vers du Cimetière Marin. 

C’est le principe qui va être appliqué par la famille Abbott.

En 2020, quelques mois après l’arrivée des extraterrestres, les derniers survivants s’organisent. Les envahisseurs, pourvus d’une audition exceptionnelle, attaquent et dévorent tout ce qui fait du bruit. Ils ont une carapace blindée qui les protège. Par chance, ils sont aveugles. Si vous vous taisez, vous serez en sécurité.

Cela implique de changer toutes vos habitudes : ne plus parler. Marcher pied nu, de préférence sur le sable ou le bitume. Se déplacer à pied. Toujours, toujours, être discret.

Cela signifie aussi s’organiser : il faut réapprendre à pêcher, chasser, cultiver. Voler quand c’est possible des médicaments ou des objets du quotidien. Vivre simplement. Et accepter la réclusion, admettre cet avenir nouveau en déconnexion complète avec le monde tel qu’il était auparavant.

Mais quand vous êtes une famille moderne avec trois enfants en bas âge, comment s’adapter ? Les gones ont évidemment envie de bouger, de courir, de communiquer. Et puis, Madame Abbott tombe enceinte. Vous avez déjà essayé d’accoucher sans un bruit vous ?

Ellipse temporelle, le film se positionne à quelques heures avant l’accouchement et explique les procédés inventés par la famille pour se préparer. Une pièce isolée par du papier journal collé au mur… Des feux d’artifice pour distraire les extraterrestres… Le bébé sera placé dans un caisson de bois et respirera grâce à un masque à oxygène…

Forcément, les choses vont mal se passer, et je ne vous dis pas la suite.

C’est un des rares films réalisés par John Krasinski, acteur, et franchement, c’est une merveille. Le but premier n’est pas d’expliquer comment la famille Abbott va pouvoir affronter ses adversaires, mais comment ils vont tenter de les éviter.

Cette histoire entièrement réécrite par John Krasinski à partir d’un scénario acheté se nourrit de ses propres angoisses de père, ressenties après la naissance de ses deux filles. Un thème aussi personnel qu’universel : les parents sont-ils capables de protéger leurs enfants ?  

L’intrigue se concentre autour des relations humaines. Dans la famille Abbott, je demande le père, la mère, la fille et les deux fils. Évidemment, le spectateur va se prendre de sympathie pour eux, car il est simple de s’y identifier. Et bien sûr, des conflits vont éclater entre plusieurs personnages, ce qui rend la situation plus douloureuse encore. Comment désamorcer des disputes sans paroles ?

La question « Comment ? » est posée vingt mille fois.

Comment dire je t’aime en silence ?

Comment cacher que l’on a mal ?

Comment hurler sans un mot ?

Comment vont-ils faire ? 

À côté de ces interrogations au demeurant stressantes, le film met en avant chaque bruit du quotidien.

La bande-son est extraordinaire. Tous les bruits que vous entendez chaque minute sans les percevoir sont amplifiés. Les battements du cœur humain, de la musique dans des écouteurs, le raclement d’une fourchette, un pas sur le plancher, un dé qui roule, un objet qui tombe, l’eau qui coule, un larsen dans un micro. Certaines parties de la partition sont plus conventionnelles, quelques morceaux musicaux un peu plus épiques… mais toujours très appropriés. La musique colle vraiment pile-poil à ce que vous apercevez à l’écran. Le résultat est très immersif.

Vous vous en doutez, en dehors de cette bande-son, le film est très silencieux. Peu de paroles, ce qui a l’avantage d’éviter un mauvais doublage français. Ce que vous voyez, c’est le jeu réel des acteurs, intact et sans défaut.

Le film comprend plusieurs jump-scare («  … AAAAH ! »), mais utilise surtout les peurs des gens.

Par exemple, quand vous vous retrouvez dans l’eau jusqu’aux cuisses et… que vous apercevez un extraterrestre plonger et venir vers vous.

Ou encore, quand vous tombez dans un silo à grain et que vous vous retrouvez emporté vers le fond sans plus pouvoir respirer.

Ou encore, le clou qui dépasse et sur lequel vous allez inévitablement finir par vous empaler après être passé dix fois à côté.

John Krasinski a déclaré que la source d’inspiration secrète de Sans un bruit était Les Dents de la mer. Vous imaginez le genre : requin sournois, mais sur la terre ferme, rodant dans nos campagnes…

Un gros travail a été réalisé aussi sur le suspens hitchcockien. Vous observez par exemple l’enfant prendre un jouet bruyant. Puis attraper des piles. Vous savez ce qui va arriver, vous ignorez juste quand.

Quelques classiques du film d’horreur et des thrillers : des images où l’acteur se place en coin, laissant au spectateur le loisir de voir ce qui se trame tout au fond de la pièce (le danger provient souvent des angles), des espaces clos où se dissimuler (la voiture, la baignoire…) Des gestes protecteurs, ceux qui incitent au silence, mais aussi une main posée sur la bouche : bâillon autant que bouclier. Des bras serrés autour de soi, anxiogènes… L’angoisse se veut distillée de manière subtile.

Aucun des personnages ne dit avoir peur. Pourtant, tout le monde y pense, tout le temps.

Des arènes traditionnelles aussi au genre de l’horreur que l’on aiiime retrouver régulièrement au cinéma : des champs de maïs qui s’étendent à l’infini et où n’importe quoi peut se cacher. Une séquence dans un supermarché, lieu propice aux rencontres avec d’autres survivants en quête de matériel, et où les incidents ne peuvent que se multiplier.

Vous avez enfin une des enfants Abbott, Regan Abbott, qui est sourde et qui donc, n’entend pas les bruits. Allez les éviter dans ce cas. C’est un réel défi, malgré son appareil auditif.

Pour une fois, on peut dire que le cinéma ose parler du handicap, dans un contexte qui n’est ni tire-larme, ni quota minimum et cela fait du bien.

Côté acteur, tous à l’écran sont parfaits dans leur rôle.

Le couple John Krasinski et Emily Blunt est très touchant, d’autant plus qu’ils sont mari et femme hors plateau de tournage. Leurs attitudes paraissent en conséquence authentiques. On en oublierait vite l’aspect fictif.

Pour les enfants, c’est plus compliqué. Cependant, ils restent crédibles, surtout la jeune actrice Millicent Simmonds qui a été choisie en partie à cause de sa surdité. John Krasinski ne voulait pas d’une « entendante qui joue à la sourde ». L’adolescente (qui a 17 ans désormais) s’est inspirée de son propre parcours lié à son handicap pour interpréter son personnage. Rien n’est chiqué.  

Pour les besoins du film, toute la distribution a dû apprendre la langue des signes.

Que dire de plus ? Le film a reçu une nomination aux Oscars 2019 (meilleur montage de son), mais pas de récompense. Il faut dire qu’il concourrait contre Bohemian Rapsody. La concurrence était rude… Néanmoins, Sans un bruit a obtenu différents prix dans des festivals moins connus.

Les monstres, maintenant.

Les nautiles de l’espace (ne cherchez pas sur internet, c’est moi qui les désigne ainsi) sont comme tout bon monstre, dans un premier temps, invisibles.

On ne les voit pas. On les entend parfois. On les aperçoit qui galopent dans les maïs. Quand ils se manifestent à l’écran, les personnages principaux les fuient. Le père cache les yeux de ses enfants : nous ne savons pas exactement à quoi ils ressemblent. Nous savons juste qu’ils n’ont aucune faiblesse connue, en dehors de leur cécité. Nous savons que depuis qu’ils sont apparus sur terre, les Terriens disparaissent. C’est bien suffisant comme information.

Ne pas décrire le monstre est un mécanisme très intéressant qui permet au spectateur de laisser courir son imagination pour en pondre la version la plus effrayante possible. Et vous, comment les visualiseriez-vous ?

Jeffrey Beecroft, le chef décorateur, a dit à leur sujet :

« Quand on a commencé à concevoir les créatures, on s’est d’abord demandé de quel type de monde elles venaient. Ce sont des créatures qui entendent avec tout leur corps, si bien que pour leur apparence physique, je me suis inspiré d’une coquille de nautile. Lorsqu’un bruit un peu fort résonne à l’intérieur de leur corps, ça leur fait tellement mal qu’elles sont prêtes à détruire tout ce qui émet du bruit. Mais leur organisme est aussi extrêmement résistant, si bien qu’elles semblent invulnérables » (Secrets de tournage – site Allociné)

Vers la fin du film, vous commencez à voir des extraterrestres en gros plan. Mais même là, il est difficile de se faire une idée : ils ne ressemblent à rien de connu. Certains paraissent être de gigantesques oreilles. D’autres sont informes, avec des pattes comme celles des araignées. Ils sautent, ils sont rapides. Ils sont d’un point de vue conventionnel relativement moches. Des aliens et comme tous les aliens, nous avons du mal à les comprendre.

Si vous souhaitez voir d’autres films au sujet d’extraterrestres aveugles, tournez-vous vers la saga des Alien et son célèbre xénomorphe.

Un autre film dans le genre extraterrestre invisible et génération suivante à protéger : Bird Box.

Et si vous aimez pour de bon les monstres invisibles… il reste toujours Invisible Man, même si ce n’est pas le film du siècle.


Je repense beaucoup à Sans un bruit en ce moment, parce que le deuxième volet devait sortir au cinéma ce 18 mars 2020… et pour cause de coronavirus, tout a été déprogrammé. Ce n’est que partie remise, certes, mais je me demande quel va être le rôle interprété par Cillian Murphy dans le prochain opus. Suite du n°1, Sans un bruit n°2 a pour projet d’étendre l’univers et de montrer ce qu’est devenu le restant du monde.

La famille Abbott va devoir se réintégrer dans une communauté parfois hostile…

Toujours en silence.

Et vous, sauriez-vous survivre, sans un bruit ?

Sources : Allociné, Wikipédia, Linternaute, Copyright 2018 Paramount Pictures. All rights reserved. / Jonny Cournoyer

7 commentaires sur « Film : Sans un bruit de John Krasinski »

  1. Pas encore vu, du coup j’ai lu un peu en diagonale. Mais à chaque fois que je me fais un épisode de « The Office », je me dis : « tiens c’est le type qui a réalisé Sans un Bruit, il faudrait que je le regarde. » Et en plus ça a l’air d’être vraiment bien.

    Aimé par 1 personne

    1. La même inversée pour Krasinski. ^^ Chaque fois que je vois un film de lui, je me dis « tiens, c’est le mec qui a joué dans The Office »
      (D’ailleurs, en terme de carrière, il a mieux tiré son épingle du jeu que Pam.)

      Sans un bruit n°1 est vraiment réussi. Par contre, je n’ai pas du tout accroché au second film sorti récemment. La suspension d’incrédulité ne fonctionne pas à tous les coups.

      Aimé par 1 personne

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